Trois rencontres avec le capitalisme

Je suis maintenant déménagé… mais pas sorti des boîtes! Et comme mon modem est encore dans l’une d’elles, mon texte hebdomadaire du vendredi sera posté… samedi! Merci de votre fidélité et de votre compréhension.

Cette semaine, je ne peux m’empêcher de partager avec vous mes trois rencontres avec le capitalisme. Eh oui! On peut le croiser tous les jours, le plus souvent sans même le remarquer tellement il fait partie du paysage! Mais cette semaine, il m’est tombé dessus trois fois, dans toute sa vérité et sa férocité : alors difficile de le manquer!

Permettez-moi d’être bref, et donc un peu court sur les nuances : mes boîtes m’attendent!

Première rencontre : la fin de semaine dernière, lors des manifestations à Toronto à l’occasion des Sommets du G8 et du G20. Manifestations largement pacifiques presque complètement occultées, dans l’actualité et les médias, par la « violence » des casseurs. Je suis un militant non violent et, je l’avoue, plein de préjugés contre ces « black blocs », anarchistes et autres jeunes venus exprimer leur rage anticapitaliste. Et il a fallu la réflexion de Francis Dupuis-Déri dans Le Devoir de lundi dernier pour m’ouvrir les yeux et me faire comprendre qu’à bien des égards, les véritables militantEs anticapitalistes se trouvaient davantage parmi les « violentEs » que je condamnais que parmi les « pacifiques » que je supportais. Sans compter que depuis lundi, les abus du capitalisme à l’égard de ces manifestations n’ont cessé d’apparaître : brutalité policière excessive, arrestations massives injustifiées, infiltration policière d’agents provocateurs, non respect des droits fondamentaux… tout cela au nom de la démocratie capitaliste! Qui sont donc les véritables « violents »? Avec l’adage, on ne peut s’empêcher de penser qu’ici encore, « la loi du plus fort est toujours la meilleure »!

Deuxième rencontre : mon déménagement d’hier, 1er juillet. Je réserve les services d’un déménageur reconnu : « 185 $ de l’heure pour deux hommes et un camion, assurances et garantie incluses », la loi de l’offre et de la demande oblige! Trois jours plus tard, les mêmes services se loueront 100 $ de moins. Mais le capitalisme véritable n’est pas là. Il est plutôt dans le salaire horaire des deux hommes (12 $), celui de la répartitrice et responsable au bureau (9,50 $), ce qui, même avec le camion et les assurances, laisse une jolie marge de profit permettant au propriétaire de passer le 1er juillet… à Cuba! Comme le dit si bien l’adage, « c’est avec de l’argent qu’on fait de l’argent », ou encore « on ne prête qu’aux riches ». Les déménageurs, souvent jeunes et recrutés comme surnuméraires pour la période de rush du 1er juillet, se défoncent (de 7 h à 1 h, soit 18 heures d’affilée le 30 juin!) en risquant sans cesse de se briser le dos : ce sont eux qui, par leur sueur, génèrent la « manne » dont s’enrichissent les entrepreneurs pendant que, pour leur fatigue, ils ne ramassent que les miettes.

Troisième rencontre : je vais au cinéma Beaubien, avec ma compagne, me reposer un peu du déménagement en allant voir « Le Concert » qui sort justement ce soir sur les écrans. Arrivé au guichet, surprise! : le film ne peut pas être présenté, ni au Beaubien ni nulle part ailleurs au Québec. Les distributeurs américains, qui ont acheté ce film européen pour la diffusion aux États-Unis, ont inclus dans le contrat une clause qui leur permet d’empêcher tout distributeur québécois (qui a pourtant lui-même acheté les droits de diffusion en français pour le Québec) de présenter le film ne fût-ce que quelques jours avant eux! En dépit de tous les efforts du producteur du film (qui a vendu les droits de distribution aussi bien aux Américains qu’aux Québécois), aucun compromis n’est possible. Malgré toute la campagne de promotion déjà faite et l’annonce publique de la sortie en salle le 2 juillet, la projection du film devra être annulée à travers le Québec en attendant la sortie américaine prévue… au début d’août! Comme le dit encore l’adage, « au plus fort la poche »!

Capitalisme et simplicité volontaire sont fondamentalement antinomiques. Ça n’exclut pas les (nombreuses) contradictions personnelles des simplicitaires. Pas plus que ça ne fait des personnes capitalistes de mauvaises personnes! Mais le capitalisme, comme système économique et comme moteur de notre société de croissance illimitée, repose sur l’exploitation du travail d’autrui, sur la concurrence et sur la propriété privée des moyens de production. Trois caractéristiques qui vont à l’encontre des valeurs de la simplicité volontaire, de la construction de la communauté humaine et de la survie de la planète.

Jusqu’à quand pourrai-je encore profiter du capitalisme sans entrer, moi aussi, en résistance ou en rébellion?

4 réflexions sur “Trois rencontres avec le capitalisme”

  1. Gérard Laverdure

    G8 G20 dérives fascistes

    Que s’est-il produit à ce fameux sommet du G20 à Toronto? De la casse par des voyoux? Celle de la rue qui a monopolisé les caméras et la salive des reporter. Plus de 900 arrestations. Un record. Après avoir laissé faire les casseurs en noir, bien identifiés, tout le samedi, la police a ensuite agressé brutalement et sans discernement les manifestants pacifiques, les journalistes et les passants. Belle tactique pour discréditer et criminaliser toute opposition à un gouvernement qui devient de plus en plus totalitaire, voire fasciste. N’en soyons pas dupes. Pendant qu’on matraque les citoyens conscientisés et courageux, que la télé nous repasse en boucle, tout l’après-midi, quelques bris de vitrines et deux voitures de polices incendiées, les vrais casseurs, économiques et politiques, qui brisent, affament, violent et torturent la race humaine et l’environnement sont à l’abri à l’intérieur des clôtures, déguisés en gentlemen, sauveurs de la femme et son enfant en Afrique. Pathétique!

    A-t-on entendu les points de vue des organisations humanitaires et de défense des droits humains qui, elles, s’occupent vraiment de l’humanité et de l’environnement? Ces dernières ont-elles reçu une juste couverture médiatique? Vous rappelez-vous les points de vue et questions posées par ces groupes de la société civile? Quand les mécanismes démocratiques ne jouent plus et que les gouvernements n’ont d’oreilles que pour leurs amis des grandes corporations, qu’ils piétinent la responsabilité citoyenne, il reste la rue pour crier aux injustices et dénoncer le règne de l’hypocrisie.

    Ce ne sont pas les vitrines qu’il faut défoncer mais l’ignorance et la désinformation, le totalitarisme gouvernemental et l’égoïsme d’une minorité. Il faut dénoncer aussi les manœuvres de distractions comme les grands jeux dispendieux qui servent à détourner l’attention et à engourdir les consciences. La fin de semaine du G8-G20 a révélé encore une fois le vrai visage du gouvernement canadien et ce n’est pas la dernière. Alors ravivons notre vigilance et notre responsabilité citoyennes.

    Gérard Laverdure

  2. Gérard Laverdure

    G20 – La répression abrutit

    La répression policière qui s’accentue chez nous a des effets pervers sur les policiers eux-mêmes et sur toute la société. Les associations de policiers devraient y porter attention. Mon expérience de rapports avec des policiers ou comme témoin d’interventions m’a appris qu’en général ils sont professionnels et corrects. D’ailleurs pourquoi devenir policier sinon pour protéger et servir ses concitoyens. Un beau métier.

    La dérive perverse que l’on observe c’est que nos gouvernements utilisent de plus en plus la force policière à des fins politiques de répression des institutions même de notre démocratie comme le droit de manifester publiquement ses opinions – Québec, Montébello, Vancouvert, Toronto. Pour des raisons d’image du pays ou de la ville en lien avec l’industrie touristique, pour des raisons idéologiques, en fait pour baillonner toute opposition. En donnant le feu vert à outrepasser la loi et à utiliser une force excessive, on ouvre la porte à tous les abus. On réveille et autorise le prédateur à chasser des proies sans défense. On libère la brute tapie en chaque humain (policier compris) avec ses fantasmes de toute puissance machiste jusqu’au sadisme, ses désirs de vengeance aveugle. Casser impunément du manifestant en gang doit donner tout un «buz» d’adrénaline. Mais ils suivaient les ordres… Pourtant, c’est par centaines qu’ils se sont portés volontaires pour le G20. C’était très payant bien sûr mais à quel prix. Leur équipement blindé ne les protège pas de l’effet boomerang de cette violence gratuite sur leur métier, leurs relations familiales et sociales.

    Avec la propagande justificatrice mensongère des gouvernements, on entraîne aussi tout le système judiciaire dans l’arbitraire. Les «cages à manifestants» n’étaient pas improvisées loin de là. La machine à humilier et à intimider est bien huilée. Avec la complicité des télémédia, on entraîne les citoyens à simplifier à outrance la réalité sociopolitique, à court-circuiter la recherche-réflexion et la convivialité sociale, à étiqueter comme «ennemis de l’État» des citoyens et leurs organisations qui ont une autre compréhension des choses, assoiffés de justice sociale et de libertés démocratiques. Si l’État s’autorise ainsi à piétiner ses propres lois, à ne plus encadrer étroitement le travail policier, pourquoi des agences privées de sécurité n’en feraient-elles pas autant contre les «ennemis de l’État ou des grandes Corporations»? Vous êtes sûrement des ennemis potentiels si vous pensez autrement que le parti au pouvoir!

    Gérard Laverdure

  3. Christiane Dumont

    À propos de la violence
    Je suis navrée pour les jeunes, beaux et pleins d’espoir, qui ont été humiliés et bafoués par la police et qui ont subi pire encore, lorsqu’ils se sont retrouvés seuls, incompris du public et même de leur entourage! Et pas vraiment surprise qu’avec un milliard en poche, les gens d’armes du Canada n’aient pu faire mieux que d’étaler leur incompétence et leur agressivité. Mais je déteste les casseurs, même si une folle rage s’est déjà emparée de moi pendant une manif qui tournait mal. Le résultat de toute cette pagaille délirante, c’est que pratiquement personne ne sait ou ne se rappelle aujourd’hui pourquoi les manifestants se sont donné la peine de se rendre à Ottawa dans le cadre du G20, du G8. À ce petit jeu bien sale, plus ça dérapera, et plus il ne restera que des marginaux pour se prononcer sur la place publique.
    Je sais, nous nous éloignons quelque peu de la simplicité volontaire, mais la dernière chronique de Dominique nous a montré qu’il n’y a pas de frontière étanche entre les différents aspects de notre vie. Alors voici, je reproduis ici une partie de l’analyse que Noam Chomsky a livrée au Monde diplomatique (juillet 2010) alors qu’il était interrogé sur l’utilité de la violence dans la lutte politique.
    « Oublions un instant les principes et concentrons-nous sur la tactique. Vous devez choisir une tactique qui a une chance d’aboutir, sinon, tout ce que vous faites, c’est gesticuler. Si vous recherchez une tactique qui permet d’aboutir à un résultat, vous ne devez pas accepter le terrain de bataille que préfère l’ennemi. Le pouvoir étatique, lui, adore la violence : il en a le monopole. Peu importe le degré de violence des manifestants, l’État en déploiera davantage. C’est pourquoi, dès les années 1960, quand je parlais aux étudiants de militantisme, je leur conseillais de ne pas porter de casque pour les manifestations. Certes, la police est violente, mais si vous arborez un casque, elle le deviendra encore plus. Si vous arrivez avec un fusil, ils viendront avec un tank; si vous venez avec un tank, ils débarqueront avec un B52 : c’est une bataille que vous allez forcément perdre. Chaque fois que vous prenez des décisions tactiques, vous devez vous poser la question : qui est-ce que j’essaie d’aider ? Est-ce que vous cherchez à vous donner bonne conscience? Ou est –ce que vous essayez d’aider des gens, de faire quelque chose pour eux ?
    … Pendant la guerre du Vietnam, j’ai été étonné que les Vietnamiens n’apprécient pas des actions comme celle des Weathermen. Il s’agissait de jeunes gens sympathiques, j’avais de l’admiration pour eux, je m’en sentais proche. Leur façon de s’opposer à la guerre consistait à descendre dans la rue et à casser des vitrines. Les Vietnamiens étaient tout à fait opposés à ce genre de choses. Eux voulaient survivre : ils se moquaient que des étudiants américains se fassent plaisir de la sorte. Ils comprirent assez vite que casser les vitrines renforçait la cause de ceux qui souhaitaient la guerre. C’est ce qui s’est produit. La tactique qui privilégie la bonne conscience de celui qui agit peut nuire aux victimes. Les Vietnamiens admiraient, en revanche, les manifestations silencieuses de femmes se recueillant devant des tombes. Pour eux, c’était le genre de choses que nous devions faire…

  4. François Pelletier

    Toute cette question des G20, G8 et autres rencontres des dirigeants de puissances économiques mondiales me laisse assez perplexe. Je ne comprend pas que les participants puissent se déclarer satisfaits d’une telle rencontre – alors qu’au dehors, on repousse les gens qui les ont élus à coups de matraques, de gaz et d’autres armes qui font juste assez mal pour ne pas avoir l’air trop violentes.

    Je ne comprend pas que l’ampleur des manifestations n’ait pas d’autre poids que d’exciter les chasseurs d’images des médias.

    Je ne comprend pas qu’on tolère que les groupes populaires qui ont pourtant élus ces dirigeants, ne puissent pas participer à ces sommets et exprimer de plein droit et publiquement leurs positions.

    Bien que je ne suis pas partisant de la violence comme moyen d’action, je comprend que certains en viennent éventuellement à cultiver une autre opinion que la mienne.

    Pour la question des déménageurs, mon expérience m’a permise de croire qu’il est possible de mettre sur pieds une entreprise à échelle humaine, où l’exploitation de l’autre n’est pas une base de fonctionnement. Je n’ai ni l’instruction, ni l’érudition pour débattre des bienfaits ou des méfaits du capitalisme, mais il me semble que la liberté dont nous jouissons ici pour mettre sur pieds les projets d’entreprise que nous jugeons valables – y compris des projets coopératifs ou à but non-lucratif – est tout de même valable. Il nous incombe bien entendu de choisir, par notre consommation, de privilégier les entreprises qui ont du coeur, qui respectent les humains et l’environnement.

    Ceci dit, je reconnais qu’il est tout de même ardu de ne pas vivre souvent en contradiction avec nos valeurs simplicitaires, l’offre d’alternatives étant souvent bien insuffisante.

    À quand les déménageurs équitables ? 🙂

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