Le 16 mars, nous avons publié la première partie d’un article reproduit du site Consommer durable. Voici maintenant la suite…
Sur le plan social
La simplicité volontaire privilégie l’intérêt collectif plutôt que les seuls intérêts individuels. Car elle se pratique beaucoup plus facilement par la mise en commun des ressources disponibles (au lieu d’avoir chacun besoin de se procurer tout). La simplicité volontaire va clairement à l’encontre de l’économie dominante qui cherche à satisfaire les besoins individualisés de chacun, ce qui permet de maximiser les ventes mais contribue, de façon décisive, à disloquer le tissu social.
Parmi les gestes simples qui recréent et renforcent le lien social, signalons :
- partager des outils
- organiser des rencontres de voisinage
- oser demander des services
- mettre en commun des ressources
- favoriser des activités communes plutôt que chacun de son côté (écoute collective d’émissions, fêtes de quartier, etc.)
- travailler à développer des services collectifs (covoiturage, bibliothèque, etc.)
Sur le plan environnemental
La simplicité volontaire promeut la réduction de notre empreinte écologique (la quantité de ressources de la planète que chacun utilise pour alimenter son mode de vie), réduction d’autant plus urgente et incontournable que pour que tous les humains puissent vivre comme nous, il nous faudrait les ressources de quatre ou cinq planètes Terre alors que nous n’en avons qu’une ! Pour rendre l’image plus parlante, comparons la planète à un grand buffet où chacun est libre de se « servir à volonté » : qu’est-ce que je choisis de mettre dans mon assiette (par mes multiples choix quotidiens : alimentation, vêtements, chauffage, consommation, transport, etc.) ? En nous rappelant que tout ce que je mets dans mon assiette n’est plus disponible pour ceux et celles qui me suivent. Et que par un « heureux hasard » de l’histoire, nous sommes à la tête de la longue file d’attente et nous nous servons en premier : que laissons-nous pour les derniers?
Parmi les gestes simples qui respectent et protègent l’environnement, signalons :
- économiser l’eau (sous toutes ses formes)
- réduire les déplacements qui ne sont pas essentiels
- collectiviser le plus possible nos transports
- faire réparer vêtements, meubles, appareils électroniques, etc. plutôt que d’en acheter des neufs (et faire pression pour que les nouveaux produits soient réparables au lieu d’être jetables)
- réduire notre consommation de viande d’un ou deux repas par semaine
- nous demander, avant chaque achat de bien ou de service, si nous en avons vraiment besoin
Sur le plan économique
L’économie dominante repose essentiellement sur une croissance illimitée de la consommation : toute stagnation ou réduction de celle-ci entraîne, dans notre système économique, une crise (récession, baisse de la « valeur » des entreprises, chômage, etc.). Mais peut-être faut-il justement re-découvrir les deux sens du mot « crise » : risque et opportunité. Et accepter le risque pour en faire une opportunité : celle de remettre l’économie au service des humains et de leurs besoins (et non pas de leurs désirs, toujours insatiables, comme le rappelait Aristote il y a 2500 ans) plutôt qu’au service du capital. Oui, la simplicité volontaire contredit non pas l’économie mais la logique actuelle de l’économie. Oui, une société de simplicité volontaire serait fort différente de celle que nous connaissons. Oui, cela demanderait forcément une période importante de transition pour atténuer les difficultés, individuelles et collectives, qu’impliquerait un tel changement. Mais tout cela est incontournable si l’humanité doit survivre, car l’économie du « toujours plus » et du « chacun pour soi » ne peut conduire qu’à des culs-de-sac toujours plus dramatiques et prochains, tant sur le plan économique, qu’environnemental, social et humain.
Parmi les gestes simples qui préparent une économie différente, signalons :
- réduire ses besoins financiers pour réduire sa dépendance au travail rémunéré, au temps supplémentaire ou même l’acceptation de conditions de travail répréhensibles
- privilégier les échanges de services et la circulation des biens en dehors des circuits économiques traditionnels (monnaies locales, troc, etc.)
- favoriser l’économie de proximité (achat local, petits commerçants au lieu des grandes surfaces, réparer au lieu d’acheter du neuf, etc.)
- appuyer le développement d’une « économie sociale » (coopératives, services aux personnes, reconnaissance sociale de l’implication bénévole, etc.)
- re-valoriser la pratique de la « dîme » (ou du don en général) où une personne accepte de partager une part substantielle de ses revenus (dîme = 10%) avec des groupes ou des individus qui travaillent à une société différente ou qui sont dans le besoin (également dans le même sens, apprendre à partager son « héritage » de son vivant, pendant que nos héritiers en ont le plus besoin, au lieu de réserver le partage pour après son décès)
- re-découvrir le bonheur des petites choses, de la beauté, de l’amitié, de tout ce qui est gratuit ; et réapprendre à goûter, à apprécier et à être reconnaissant pour tout ce la vie nous donne au lieu d’être amer ou déçu de tout ce que nous aurions désiré et que nous n’avons pas encore.
Bref, selon le mot de Duane Elgin qui a relancé le concept au début des années 80, la simplicité volontaire c’est « une manière de vivre qui est extérieurement plus simple et intérieurement plus riche » (Voluntary simplicity, 1981) ou, comme le rappelait Gandhi (qui a inspiré Richard Gregg, celui qui a inventé l’expression « simple living » en 1936), « vivre plus simplement pour que les autres puissent simplement vivre ».