Nous ne pouvons ou ne voulons pas nous passer d’une automobile. Nous acceptons de moins en moins de vivre sans climatisation. Nous possédons un nombre grandissant d’appareils électroniques qui restent branchés ou allumés en permanence (même quand il ne s’agit que d’une « veilleuse » ou de l’horloge électronique). Nous consommons de plus en plus d’eau embouteillée, de vêtements synthétiques et de médicaments.
« Nous », au Québec, en Amérique du Nord, dans les pays occidentaux. Mais aussi « eux », en Chine et en Inde (à eux seuls le tiers de la planète!), en Asie du Sud, en Europe de l’Est, en Amérique latine, qui ont tellement de « retard » à rattraper et qui, graduellement, cherchent à se déplacer autant que nous, à manger autant de viande que nous, à avoir les mêmes gadgets informatiques que nous.
Quel est le point commun de tout cela? L’énergie! Nous (incorporant dorénavant le « nous » et le « eux ») avons chaque jour besoin de plus en plus d’énergie de toutes sortes (fossile, hydro-électrique, nucléaire, éolienne, etc.). À tout prix! Pour les meilleures raisons (faire fonctionner les hôpitaux) et pour les pires (alimenter les fontaines du casino Bellagio à Las Vegas).
C’est pour cela (et pour leurs profits, bien sûr!) que les pétrolières BP de ce monde forent des puits dans des conditions de plus en plus exigeantes (au plan technique), partout où on peut encore trouver de l’or noir. Notre soif d’énergie est insatiable, au même titre que nos désirs de consommation (les deux étant d’ailleurs étroitement reliés). Alors on fore, de plus en plus profond, dans le golfe du Mexique comme au large de Terre-Neuve, on voudrait le faire bientôt sur les côtes de Gaspésie, on exploite les sables bitumineux, on relance la construction de centrales nucléaires, etc.
Et il se produit, inévitablement, des accidents (aussi peu nombreux que possible, espérons-le, mais fatalement de plus en plus nombreux par les seules probabilités statistiques à mesure que le nombre d’exploitations augmente). Certains accidents qui auraient peut-être pu être évités, et d’autres qui sont vraiment des « Acts of God » (tremblements de terre, ouragans, sabotages en zones de conflit, etc.). Mais accidents qui ont tous les mêmes terribles conséquences, qu’ils soient ou non couverts par des
« assurances » : Tchernobyl, Bhopal, Golfe du Mexique…
L’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon, le 20 avril dernier, dans le golfe du Mexique n’est que l’une des conséquences prévisibles de notre soif d’énergie. Il est trop facile d’en rejeter le blâme sur l’incurie de la compagnie BP, sur la mollesse du gouvernement Obama ou sur l’avidité du capitalisme américain, même si tout cela comporte aussi une part de vérité. Mais la cause profonde réside dans notre volonté de croissance (économique), notre appétit de confort ou de facilité, notre recherche de rendement (sur nos placements ou nos fonds de retraite).
À quel prix?
Un prix proprement incalculable si on acceptait enfin d’inclure tous les véritables coûts de notre mode de vie quotidien! Le coût direct et habituel de toute production (intrants, main-d’œuvre, transport, mise en marché), d’abord. Mais aussi les coût indirects, sociaux (conditions de vie des travailleurs), culturels (impacts sur les communautés locales), environnementaux (à long terme, des origines des matières premières jusqu’à la disposition finale des déchets après usage), politiques (luttes d’influence allant jusqu’à la guerre pour le contrôle des ressources stratégiques) ou même spirituelles (déplacements graduels du sens de la vie et du bonheur).
Nous souhaitons pouvoir continuer de « faire le plein » pour le moins cher possible. Tout comme nous tenons à continuer de payer notre électricité québécoise à un prix dérisoire (« notre » richesse collective et « notre société d’État ») ou à utiliser notre eau sans aucune restriction (après tout, les entreprises en consomment tellement plus que nous, même quand nous gaspillons, et les canalisations de Montréal perdent environ 40 % de leur contenu).
Bref, comme consommateurs, nous sommes enchantés des avantages du capitalisme (la concurrence et la loi du marché qui garantissent « les prix les plus bas »). Mais nous voudrions que « les autres »,
« les gros », « les banques » cessent de vouloir privatiser les profits tout en socialisant les pertes (comme lors de la récente crise économique). Comme Québécois, nous sommes enchantés que la Caisse de dépôt et de placement (notre « bas de laine » collectif) fasse, à la loterie actuelle de la Bourse et du système financier international, des milliards de rendement une année, mais scandalisés qu’elle essuie des milliards de perte l’année suivante! Et comme Nord-Américains, nous voulons par-dessus tout conserver notre standard de vie le plus longtemps possible.
Alors oui, critiquons BP pour l’absence d’un puits de secours, le président Obama pour sa lenteur à réagir et son apparent manque de compassion à l’égard des populations côtières, et le capitalisme pour la concentration de l’expertise technique entre les mains du secteur privé, limitant ainsi considérablement la capacité réelle de l’État de veiller au bien commun en cas de nécessité.
Mais au-delà du désastre environnemental d’une ampleur sans précédent, au-delà des milliards de dollars perdus ou dépensés, au-delà des manchettes spectaculaires de l’actualité qui finiront forcément par s’épuiser avant de disparaître, profitons de l’occasion pour questionner notre propre responsabilité dans cette catastrophe annoncée : sommes-nous prêts à réduire, concrètement, notre besoin d’énergie? Ou alors sommes-nous prêts à en payer le prix, quel qu’il soit?
Très vrai. Plusieurs commencent à proposer de repenser la manière d’établir les prix des produits afin d’y inclure “les vrais coûts” – ceux qui passent actuellement inapperçu. On parle ici des coût humains, environnementaux, énergétiques, de santé, etc.
Actuellement, ces coûts sont assumés collectivement et indirectement par les gouvernements sous forme de taxes et d’augmentation des dépenses collectives, assumées bien entendu à même nos impôts. Ces coûts ne paraissent donc pas au moment où nous posons notre geste d’achat.
Avec un “juste prix écologique”, nous serions en mesure de faire des choix plus éduqués, et il est à parier que nous serions bien surpris des impacts de nos achats.
Je vous invite à lire le texte suivant au sujet du “juste prix écologique”.
http://www.econo-ecolo.org/spip.php?article1654
Vérité qui, hélas, ne fait pas plaisir à entendre….