Manger pour vivre ou vivre pour manger?

Je viens de faire un jeûne d’une semaine par choix. Pour nettoyer le corps et reposer l’esprit. Prendre un peu de recul et faire le point, avant la prochaine étape. Une journée de transition alimentaire, cinq journées sans rien prendre d’autre que du liquide, puis deux journées de reprise alimentaire graduelle. C’était ma quatrième expérience depuis une quinzaine d’années : toujours aussi concluante.

Précisons : le jeûne n’est aucunement une forme de simplicité volontaire et celle-ci ne demande à personne de se priver de nourriture! Le jeûne est une expérience bien distincte, dont certaines dimensions peuvent rejoindre des aspects de la simplicité volontaire (comme l’utilité de prendre du recul, la réflexion sur les rapports entre besoins et désirs, sur ce qui est « assez » pour chacunE, etc.), et qui peut être vécu pour des raisons diverses : thérapeutiques, spirituelles, hygiéniques, etc.

Mais ma réflexion d’aujourd’hui ne vise pas à étudier ou à promouvoir le jeûne (sinon pour confirmer que la chose est bien possible, et davantage à la portée de tous qu’on le croit généralement: voir le petit livre de Hellmut Lützner, Bien jeûner, Vivre mieux, Éd. Vigot, 2002, 101 p.) mais plutôt à partager certaines prises de conscience que l’expérience m’a fait vivre.

Première constatation : on peut vivre (et fonctionner normalement) en mangeant infiniment moins qu’on le fait généralement. J’ai été surpris, comme chaque fois, d’avoir autant d’énergie (sans rien manger de solide) qu’en période d’alimentation normale. Il faut dire qu’envrion 30 % de l’énergie qu’on tire de l’alimentation sert à… la digestion!

Autre prise de conscience : chacunE n’a sans doute pas nécessairement besoin de ses « trois repas par jour » tels qu’on les pratique dans nos sociétés d’abondance, de toute la variété, la cuisson ou les condiments qu’on y met. Sans parler de la quantité ingurgitée! Il semble bien qu’on puisse être en forme et en excellente santé avec une alimentation fort différente de celle que l’on pratique généralement.

Au fond, la prise de conscience la plus importante a peut-être été de me rendre compte que notre alimentation répond à des besoins autant (sinon même davantage) psychologiques que physiologiques : besoins relationnels (rituels des repas, rencontres de famille ou d’amis), besoin de créativité (comment apprêter les éléments de base, exploration culinaire, recettes, chefs), besoin de beauté (disposition des plats, décoration de la table), besoin de donner et de prendre du plaisir (saveurs, odeurs, assaisonnements), besoin de solidarité (donner et partager avec ses proches, la mère de famille – excusez le sexisme – qui traite bien les siens; c’est aussi le sens du partage du pain et du vin chez les chrétiens), besoin de variété (pour briser la routine ou pour suivre le Guide alimentaire canadien!) et besoin de compensation (souvent l’un des besoins les plus importants : pour compenser l’ennui, la colère, la frustration, l’énervement, le stress, l’envie, la dépression, etc.). Compensation qui s’exprime souvent dans la boulimie, l’abus d’alcool et autres formes de dépendance alimentaire.

Et que notre alimentation dépend au moins autant (sinon plus) de considérations économiques que de besoins physiologiques : ce que nous mangeons, tout comme ce que nous avons « le goût de manger » dépend très largement de ce que l’on nous a présenté comme désirable, aussi bien à travers les innombrables publicités alimentaires qu’à travers les si nombreuses et populaires « émissions de
cuisine », et de ce qui nous est rendu le plus facilement accessible (par la disponibilité dans les supermarchés et par les bas prix de certains produits). Toutes choses qui répondent essentiellement à des impératifs économiques (nourriture déjà préparée, agriculture industrielle, subventions agricoles, concentration des industries agro-alimentaires, importance des ajouts en sucre et en sel qui créent des effets de dépendance un peu comme la nicotine dans les cigarettes, etc.).

L’un des principaux bénéfices d’un jeûne librement choisi, c’est de « remettre les compteurs à zéro ». De nous inviter tout naturellement à découvrir (et, si nous le voulons bien, à re-choisir) ce dont nous avons vraiment besoin en matière alimentaire. De re-découvrir le goût incomparable d’une seule gorgée de jus ou de la première cuillerée de soupe, quand on prend le temps de la déguster comme si elle était la seule, plutôt que de l’enfouir sous l’accumulation de ce que l’on ingurgite. De retrouver le plaisir des bonheurs simples.

Avec une reconnaissance renouvelée pour cette vie – cette Vie – qui nous est donnée, à chaque jour, chaque bouchée, chaque gorgée…

1 réflexion sur “Manger pour vivre ou vivre pour manger?”

  1. Francois Pelletier

    J’ose faire un parallèle avec une retraite de quelques jours, expérience que je viens tout juste de vivre. C’est un peu comme un jeûne du mental. On en vient à découvrir, et à re-choisir, les activitées qui sont réellement importantes pour nous, les possessions qui nous sont vraiment utiles, etc…

    Cette brève expérience de simplicité volontaire permet vraiment de mettre en lumière ce qui est superflu dans notre vie, ce qui est “artificiel” ou “vendu” par la société dans laquelle nous vivons. Si on est attentif, on y voit aussi les besoins réels que l’on tente habituellement de combler par la consommation, ou en se tenant occupé, distraits ou divertis continuellement.

    À l’instar du jeûne, vivre en ermite n’est pas un mode de vie à adopter en permanence, ni non plus un essentiel pour pratiquer la SV. Cependant, il s’agit d’une belle manière de faire des prises de consciences que l’on peut transposer dans la SV.

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