Comme membre de l’Association québécoise de défense des droits des retraités (AQDR), j’ai assisté, le 21 mars 2013, à un panel sur le maintien des aînés sur le marché du travail, lors du Colloque organisé par l’Association québécoise de gérontologie à Drummondville.
À la fin du panel, je n’ai pu m’empêcher de poser la question suivante.
Je remercie les cinq panelistes de leurs exposés fort enrichissants et instructifs. Plusieurs des interventions entendues ce matin s’inscrivent dans le courant qui, à l’instar de M. Claude Castonguay, encourage le maintien ou le retour des aînés sur le marché du travail. Je voudrais apporter trois bémols à cette vision, dans une optique de recherche commune du bonheur (rien de moins !). Ma question (un peu longue, je m’en excuse) s’adresse en particulier à Mme Martine Lagacé et à M. Mustapha Bettache, dont les propos donnent ouverture à ma question.
1. Nous vivons malheureusement dans une société où l’argent est de plus en plus la nouvelle religion. Et pourtant, on sait depuis les études du chercheur américain Easterlin, en 1974, qu’il n’y a pas de corrélation entre les revenus et le bonheur. En effet, une fois les besoins de base satisfaits, passé un seuil qui varie, disons en Occident, autour de 30 000 $, la croissance des revenus entraîne un plateau et non une croissance du bonheur. Seuls les démunis voient leur bonheur croître avec les revenus, jusqu’à un certain seuil. Des dizaines de recherches américaines et européennes valident les conclusions d’Easterlain. Alors je suis toujours étonné de lire dans les média dominants qu’il faudrait avoir mis un million de dollars de côté pour être heureux à la retraite ! D’autres études établissent une corrélation claire entre le choix de vie de la simplicité volontaire et le bonheur.
Je serais porté à mettre de l’avant l’hypothèse de recherche suivante : 25 % des aînés qui travaillent le font parce que leurs revenus sont trop bas. Un autre 25 % travaillent parce qu’ils aiment leur travail. Et 50 % travaillent parce qu’ils croient qu’ils ont encore besoin de travailler à cause de l’idéologie de la surconsommation. Il serait intéressant de demander à un sociologue de vérifier cette hypothèse sur le terrain.
2. De plus, ce dont notre société a besoin, je crois, c’est de davantage de bénévolat, pour humaniser les soins, pour humaniser la société, je dirais même pour donner du sens à une société qui en a bien besoin, de sens. Depuis ma retraite, j’ai refusé toute offre d’emploi : chargé de cours à l’université à temps partiel, rédaction fort payante de textes, etc. J’ai refusé. Je voulais avoir du temps pour du bénévolat et de la militance. Je fais pas mal de bénévolat et j’aime ça. Je travaille à mon rythme. Les aînés qui prolongent leur emploi professionnel ont moins d’heures, ou pas d’heures du tout, pour faire du bénévolat. Quand on fait du bénévolat, on n’a pas un patron sur le dos, on travaille à notre rythme, avec qui on veut, c’est le bonheur je vous le dis.
3. Finalement, je trouve (et je ne suis pas le seul à trouver) que la pénibilité du travail a augmenté particulièrement au cours des 20 dernières années. Que ce soit dans le public ou le privé, les exigences augmentent, la performance requise est plus importante, les contrôles augmentent, et la compétition aussi. Dans le secteur public, les intervenantes ne sont pas enchantées par la « méthode Toyota » et les tonnes de statistiques qu’elles doivent fournir. Dans le privé, c’est brûle-toi au travail ou va-t-en. Dans un grand nombre de cas (pas tous évidemment), c’est un peu du masochisme que de rester sur le marché du travail à un âge avancé, qui devrait pourtant être l’âge de la sagesse et de la philosophie. Je vous rappelle l’origine étymologique du mot travail. cela vient du latin tripalium qui signifie instrument de torture.
Qu’en pensez-vous ? Comment chercher ensemble le bonheur, dans cette perspective ? Le maintien des aînés sur le marché du travail : quel en est le but réel ? Et est-ce vraiment le chemin à prendre pour notre avenir?
on doit travailler pour vivre ( l’humain doit cultiver ou chassé historiquement ) et epargner pour ne pas etre au crochet de la societé quand vien la retraite.
trop de gens agés s’attende a vivre de pension de l’etat, seront elle la le temp venue ????
La réponse de Louis Chauvin pose d’excellentes questions: pourquoi, effectivement, travaillons-nous, et ce, quel que soit notre âge?
Il va de soi qu’il serait absurde pour quelqu’un de renoncer à un travail qu’il aime et qui l’épanouit simplement parce qu’il a atteint un âge quelconque (celui de la “retraite” qui correspond, dans notre société, beaucoup plus à des impératifs économiques nationaux –on le voit bien avec le relèvement de l’âge de la retraite annoncé par le gouvernement Harper!– qu’à des considérations d’âge, de “juste participation à la société” ou de santé).
Il serait tout aussi insensé d’y renoncer uniquement parce que cette poursuite d’un emploi aimé serait rémunérée plutôt que bénévole.
À l’inverse (et c’est un des points centraux que soulève Jacques Fournier), il est insensé de poursuivre un travail que l’on n’aime pas beaucoup ou qui ne nous épanouit pas uniquement pour des considérations financières (à moins que ces besoins financiers ne soient vraiment impératifs, ce qui est assez rarement le cas: je connais des tas de gens qui pourraient très bien “prendre leur retraite” et vivre bien, mais qui s’acharnent au travail parce qu’ils ne se sentent pas “en sécurité financière”, celle-ci étant largement surfaite par les économistes en fonction des critères d’une société de surconsommation).
Quant aux deux autres points soulevés par Louis Chauvin (la place du bénévolat dans notre société –avec les risques qu’il soit récupéré ou utilisé par l’État pour se déresponsabiliser– et les montants d’argent nécessaires, en 2013, pour qu’ils n’aient plus d’incidence significative sur l’augmentation du bonheur), ils sont effectivement pertinents et j’aimerais bien les discuter l’un et l’autre plus en détail…
Mais je me contenterai, pour aujourd’hui, de dire que j’ai de fort doutes sur les 75,000$ nécessaires avant que l’augmentation du bonheur “plafonne”. Et que notre société a un urgent besoin de plus de “gratuité” (le bénévolat n’étant que l’une de ses formes possibles) si elle veut avoir un avenir viable.
De belles discussions en perspectives!
M. Fournier, est-ce que tout ne réside pas dans la capacité de faire des choix librement? Quelle est la différence réelle entre faire du bénévolat et continuer ou reprendre un travail que l’on aime faire? Pourquoi ne pas être payé pour un travail qui contribue au bien être de la société même si on a atteint un certain âge? Quel tort à avoir un peu plus de revenu qui peut permettre une réduction d’anxiété financière, la possibilité de se payer quelques petits plaisirs, et avoir les moyens de continuer à supporter les œuvres et organismes qui nous tiennent à cœur.
Vous êtes peut-être un de ces chanceux, M. Fournier, à avoir pris votre retraite avec une pension qui représentait un haut pourcentage de votre salaire et qui sera indexée au coût de la vie pour le reste de vos jours (mon père était dans cette situation). Cependant c’est de moins en moins la réalité courante. Même dans mon institution d’éducation post-secondaire la pension à bénéfices déterminés n’existe plus. Ainsi une personne qui se retire à 65 a une espérance de vie 20 ans doit prévoir des revenus pour cette longue période qui seront grugés par l’augmentation du coût de la vie.
J’ai donc l’intention, à ma retraite, de continuer à enseigner à charge réduite, des sujets d’études qui permettent tant à moi qu’à mes étudiants, une réflexion sociale, environnementale et économique qui devient de plus en plus essentielle. Et je n’ai aucune culpabilité à être payé pour rendre ce service social. Même que j’en retire une satisfaction profonde.
D’ailleurs le bénévolat soulève une toute autre question qui est celle de la déresponsabilisation de nos gouvernements face au plus démunis pendant qu’ils sabrent dans les bénéfices sociaux et permettent aux entreprises d’engranger et de s’asseoir sur des profits faramineux; et ce sont nous, de la classe moyenne, qui devons compenser et pallier à ceci par notre temps/bénévolat. En fait, je crois que possiblement, nous permettons, de cette façon, à notre gouvernement de continuer à se dégager de ses responsabilités
Mot de la fin, faudrait peut-être aussi vous recycler quand à vos sources. Les études datant de 1974 sont un peu dépassées, surtout quand on parle de revenus. Il y a plusieurs études récentes à ce sujet car le bonheur est, depuis quelques années, à tous les menus à la carte. Une en particulier, qui nous provient des States, parle de $75,000 environs comme niveau de revenu au-delà duquel la corrélation entre revenu et bonheur se désintègre. Tout est relatif lorsqu’on parle de sous. Je me souviens qu’au début des années 70 je clamais haut et fort que je pourrais prendre ma retraite avec $100,000 qui me procureraient, à 10% d’intérêts, $10,000 par année. On ne va plus très loin avec $10,000. Aujourd’hui, à 3% d’intérêts, même pour se procurer une rente de $30,000 dont vous parlez nous avons besoin d’une mise de fonds $550,000. Et que vaudra ce $30,000 dans 20 ans? Et si j’étais chanceux comme mon père et je vivais jusqu’à 94 ans??…OUF!
Alors bravo pour vos choix et continuez de vous dévouer pour vos causes préférées mais s’il vous plait ne posez pas de jugements téméraires à l’endroit de ceux qui, possiblement, vivent une autre réalité que la vôtre.