La vie est cyclique comme la terre est ronde! À la veille des Jeux Olympiques d’hiver 2014 qui s’ouvrent demain à Sotchi, je n’ai pu m’empêcher d’aller relire l’un des tout premiers textes que j’écrivais sur un nouveau blogue, le Carnet des simplicitaires, le 4 mars 2010, au lendemain des JO d’hiver 2010 à Vancouver. Et comme les Olympiques reviennent inéluctablement tous les quatre ans, de même les réflexions suscitées par les Jeux ne changent guère, sinon qu’elles s’amplifient à la (dé)mesure du « sport/spectacle ».
Je ne reprendrai pas ici mes réflexions d’il y a quatre ans, ni sur les rapports entre Jeux Olympiques et simplicité volontaire, ni sur les grandeurs et misères du sport devenu spectacle (à l’occasion du Grand Prix de Formule 1 et du Mundial de football qui revient lui aussi tous les quatre ans) : ces réflexions sont toujours d’actualité et je les signerais à nouveau aujourd’hui.
Mais je dois reconnaître qu’en ces matières, les choses ne s’améliorent pas. Au contraire! Et c’est inquiétant.
Si les frais pour organiser les JO ont toujours été élevés pour les pays organisateurs, ces dépenses ont perdu tout sens des proportions. Si le coût d’organisation des JO de Montréal, en 1976, a été de moins de 5 milliards de dollars (dû surtout au coût exorbitant du Stade), le coût des JO de Pékin, en 2008, a atteint… 44 milliards de dollars! Et si les JO d’hiver (trois fois plus petits que les JO d’été) avaient atteint un record de 7 milliards de dollars à Vancouver en 2010, quatre ans plus tard, les JO de Sotchi en Russie, dont le coût prévu était de 12 milliards, coûteront finalement la bagatelle de… 51 milliards de dollars!
Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les analyses de coûts des Jeux ou de retombées politiques, économiques ou touristiques qui en découlent. Je me contente d’affirmer que ces montants sont devenus proprement scandaleux et inacceptables. 51 milliards, c’est plus que le PIB annuel total de 115 des 192 pays du monde!
Les Jeux Olympiques avaient pour but de célébrer la fraternité en réunissant, tous les quatre ans, la jeunesse mondiale dans un climat de saine émulation. Certes, l’excellence était le but à atteindre (la devise olympique n’est-elle pas « Citius, Altius, Fortius », c’est-à-dire « plus vite, plus haut, plus fort »?). Mais cette excellence est comprise, dès le retour des JO modernes, comme « une invitation à donner le meilleur de soi-même et à vivre ce dépassement comme une victoire. Cheminer vers ses limites et tendre vers l’excellence ne veut pas nécessairement dire être le premier et il faut rapprocher la devise olympique de cette autre phrase « L’essentiel n’est pas de gagner mais de participer », principe repris à son compte, dès le début, par le baron Pierre de Coubertin. » (Wikipedia).
Je ne veux pas nier l’expérience inoubliable que vivront sans doute, encore cette année, une grande partie des athlètes venus des quatre coins du monde. Il y aura certainement, ici ou là, des expériences de cette fraternité souhaitée par le baron de Coubertin.
Mais avec la pression de plus en plus grande mise en permanence sur les athlètes, pendant quatre ans, simplement pour se « qualifier » et obtenir ainsi le droit de participer aux JO, et avec la pression nationale plus grande encore mise sur eux pour répondre aux attentes et remporter des médailles, j’ai du mal à croire que la fraternité demeure un des objectifs importants des Jeux. Et si on ajoute à cela les budgets nécessaires pour « fabriquer » ces gagnantEs, toute l’expertise scientifique qui est sollicitée pour maximiser les performances, toutes les rivalités de prestige nationales qui sont en jeu, il me semble que l’idéal des JO se perd de plus en plus, écrasé sous le poids de l’argent et des innombrables intérêts qu’il sert.
J’écrivais dans ROMPRE! ou Le cri des « indignés » que « l’argent est devenu omniprésent, contaminant absolument tout, même les domaines les plus « purs » de l’humanitaire, de la solidarité et du fair play » (p. 28). Les JO en sont un exemple particulièrement probant. Et la démesure des moyens mis à leur disposition, que ce soit par les pays organisateurs (avec leurs intérêts de vitrine géo-politiques), par les Comités olympiques nationaux (pour mieux paraître au « Tableau des médailles »), par les commanditaires (pour leurs propres intérêts commerciaux de profits) ou par les réseaux de télévision des diffuseurs (qui sont prêts à verser des fortunes pour les droits d’exclusivité) contribue à faire des JO des « spectacles » toujours plus grandioses où le sport, dans sa nature même, n’a plus grand-chose à voir. Nous sommes revenus, à vingt siècles de distance, à l’idéal romain : « Panem et circenses », c’est-à-dire « Du pain et des jeux »!
S’agit-il d’un progrès? Ou faudrait-il chercher en arrière, dans le passé, de quoi construire un avenir plus espérant? C’est la question que je me posais, en novembre dernier, dans mon texte « Avancez en arrière! »
Je tiens à te féliciter pour ton blog !
Le nationalisme et la fierté de son drapeau conduisent a tous les excès et les politiciens en profitent !
“Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de n’en plus avoir, du tout.”
Gustave Flaubert – 1821-1880
En pendant ce temps, on nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour aider les pays en développement au niveau de la lutte aux changements climatiques, qu’il n’y a pas d’argent pour passer aux énergies vertes, pour fournir de l’eau potable et de la nourriture à tous les citoyens de la Terre, pour éradiquer la malaria, et bien d’autres…
Alors que s’amorçait le déclin qui le mena à son effondrement, l’empire romain offrait à la population du pain et des jeux pour les divertir, ou plus précisément les distraire des problèmes qui commençaient à le miner. L’histoire, malheureusement, a la fâcheuse habitude de se répéter…