J’ai relu récemment La Mort d’Ivan Ilitch de Tolstoï. C’est une longue nouvelle, de 137 pages, parue en 1886. Ivan Ilitch, le héros, est un conseiller à la Cour d’appel en Russie. Bel emploi, belle vie, femme, enfants, prestige, vie apparemment réussie.
Or voilà qu’il tombe gravement malade à 45 ans. Il ne comprend pas que cela lui arrive à lui. Il résiste, s’objecte. Et voilà qu’il sent qu’il va mourir. Plus on avance dans la lecture, plus on trouve le héros stupide, borné : ne sait-il pas que tout le monde doit mourir un jour ? Et soudain, on réalise qu’Ivan Ilitch, c’est chacun de nous. Ivan Ilitch, c’est moi, je suis moi aussi stupide, inconscient et borné, je vis comme si je ne savais pas que j’allais mourir. L’art du romancier est de nous faire comprendre, peu à peu, par couches successives de réflexions, que nous vivons de façon peu réfléchie.
Le héros passe par une phase de révolte, puis de désespoir, puis enfin connaît une sorte de transfiguration.
Après lecture, on a envie de se dire : comment devrais-je vivre à l’avenir, pour le peu qu’il me reste ? Comment pourrais-je être plus attentif à mon entourage (conjointe, enfants, petits-enfants, amis, connaissances, voisins, la planète entière, etc.) ? Comment pourrais-je être une meilleure personne ? Comment pourrais-je vivre de façon plus consciente (ce qui ne veut pas dire de façon non joyeuse, bien au contraire)?
Trois extraits :
- « Le fait même de la mort d’un ami éveilla comme toujours en tous ceux qui apprirent cette nouvelle, un sentiment de joie, ce n’est pas moi, c’est lui qui est mort. »
- « Imbéciles ! Je pars le premier, et ensuite ce sera leur tour. Ils y passeront tous. Mais ils se réjouissent maintenant, stupides animaux ! La rage l’étouffait. »
- « Et si vraiment ma vie, ma vie consciente ne fut pas ce qu’elle aurait dû être ? »
Bonne lecture !