Le temps de magasinage

magasinageÀ longueur d’année, on se désole que les ménages canadiens soient lourdement endettés. Pourtant, à la période des fêtes, on s’inquiète qu’ils ne consomment pas assez. De fait, cette période de l’année représente une part prépondérante du chiffre d’affaires du commerce de détail qui lui-même représente une part importante du PIB. C’est avec de tels discours que j’ai l’impression de vivre dans une société schizophrène.

Oui, le magasinage du temps des fêtes peut sérieusement grever un budget. Mais a-t-on pensé aussi à notre précieux temps? Les détaillants ne ménagent pourtant pas leurs efforts pour que nous passions le plus de temps possible dans leurs établissements. Quand j’étais en marketing, on travaillait à leur « faire vivre une expérience » qui les retiendrait autant que possible sur les planchers de nos épiceries. Le calcul est simple : plus de temps un/e consommateur/trice passe dans un magasin, le plus de chances il/elle a d’acheter quelque chose… qu’il/elle n’avait pas l’intention d’acheter en entrant.

Aujourd’hui, les centres d’achats se parent de leurs plus beaux atours pour que nous puissions passer la journée chez eux. Mais ce sont les « complexes » comme le Quartier 10/30 qui sont les plus chronovores. Comptez le temps qu’il faut pour entrer et sortir de ce labyrinthe, aller et venir en voiture dans ce dédale. Contrairement au centre d’achats, le fait de devoir se rendre à la voiture pour changer d’endroit nous permet d’y déposer nos paquets. Cela prend beaucoup plus de temps, mais personne ne s’en préoccupe : l’important est de favoriser cette impression qu’ayant à nouveau les mains vides, nous puissions chaque fois recommencer à neuf… De fait, il est beaucoup plus difficile de se souvenir de ses achats lorsqu’ils ne nous pendent pas au bout des bras.

Je déteste magasiner. Un seul lieu échappe à ma détestation : la librairie. Cette aversion me fait sauver beaucoup de temps et d’argent. C’est mon conjoint qui s’occupe de toutes les courses et je lui en suis toujours immensément reconnaissante.  Mais jamais nous ne prendrons le magasinage pour autre chose que ce qu’il est : une activité de ravitaillement et non pas une activité de loisir.

Déjà, l’obsolescence des produits – le fait qu’ils brisent plus rapidement et doivent donc être remplacés à un rythme plus rapide – nous ramène bien plus souvent qu’avant sur les planchers des détaillants. De plus, l’évolution débridée de la technologie nous y mène aussi, et ajoute à ce temps d’achat le temps d’apprentissage et de familiarisation avec tous ces produits. Il n’est pas étonnant que le commerce en ligne soit si populaire : il prend beaucoup moins de temps.

Peut-on passer un Noël sans cadeaux? Certains le croient, d’autres les créent et les fabriquent. Mais pour la plupart d’entre nous, il faut encore sortir le portefeuille. Pour ma part, mes cadeaux se font à deux endroits pour tout le monde : une librairie indépendante et, pour ceux à qui un livre ne convient tout simplement pas, une bouteille de vin.

Fin du magasinage.

(Publié le 9 décembre 2014 dans le blogue de Christine Lemaine,“Vivre le temps… autrement!”)

 

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