La dernière tentation de Marcel

espressoJ’ai connu Marcel en 2010 au centre de conditionnement physique pour aînés de mon quartier. Lorsque j’ai voulu organiser des marches urbaines, Marcel a accepté avec générosité et empressement de participer à la mise en place du projet. Par la suite, j’ai connu Pauline, sa conjointe. C’est un couple qui allie les trois « S » comme dans le film Mon meilleur ami c’est-à-dire, sympathique, sincère et souriant. Heureusement pour moi, ils ont aussi le sens de l’humour.

Marcel aime le beau, le bon, le parfait et le « gros ». Ses projets sont donc naturellement expansifs. C’est plus fort que lui, c’est comme ça. Il y a du levain dans sa personnalité.

Pour revenir aux tentations de Marcel, il y a eu l’épisode de la cafetière espresso. Ce petit mastodonte qui occupe plus d’un pied carré sur le comptoir. J’ai oublié de mentionner que je suis l’amie qui ne se mêle pas toujours de ses affaires et qui manque souvent de « filtre ». Alors, j’interpelle Marcel :

– Où tu vas mettre ça, cette grosse bebelle-là à 600$ et plus, plus, plus ?  As-tu pensé qu’il fallait la nettoyer, changer le filtre, etc. ? Combien de cafés prends-tu par jour ?
– Un seul.
– Et Pauline ?
– Pas du tout.
– Et ta visite ?
– Rarement, ça les empêche de dormir .
– Ça va prendre combien de cafés pour rentabiliser cet achat ?
– (…)

Ma conscience m’interpelle souvent trop tard. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à cette amie au travail qui disait à un collègue intrusif: « Répète après moi : De quoi je me mêle? ». Finalement, je n’ai jamais plus entendu parler de cette fameuse machine à café et comme chantait Véronique Dicaire : « Tu ne sauras jamais ».

Chassez le naturel et il revient au galop. Dernièrement,  Marcel m’informe qu’il ira au Salon de l’automobile de Montréal. J’accueille le projet avec une presque totale indifférence, non sans lui demander : « POUR QUOI FAIRE ? », alors que nous venions de débuter une série de quatre rencontres avec Diane Gariépy sur la simplicité volontaire. De plus, Marcel a une Corolla achetée flambant neuve en 2012. Marcel prend le temps de me répondre comme d’habitude très poliment et gentiment qu’il est resté pris deux fois dans un banc de neige, devant sa porte, cet hiver. Et que, par conséquent, il a besoin d’un « 4 X 4 » . Mais j’ai dit : « Marcel as-tu pensé à utiliser les bons vieux “traction aid” ou à demander l’aide du CAA, ou bien demander à un voisin de te pousser ? » Marcel n’a jamais répondu et moi de lui en reparler, car encore une fois « De quoi je me mêle ? ».

Mettre le feu à la maison pour tuer une souris . Combien de fois nos gros achats ont-ils servi à répondre à de tout petits besoins?

J’ai poussé l’examen de conscience jusqu’à … moi-même. En 2010, j’ai acheté un condo de 978 pi ². À ce moment là, mon bonheur passait par « la brique et le mortier ». En résumé, être propriétaire était un besoin quasi absolu, vital et incontournable… pour réussir sa vie. J’ai cherché pendant sept ans le condo parfait pour moi, c’est-à-dire un rez-de-chaussée avec une entrée privée, une petite terrasse et un garage à Montréal, près des services, et à mon prix. Je l’ai finalement trouvé.

L’euphorie aura duré… trois semaines. Par la suite j’ai déprimé « en chute libre ” et je n’osais pas en parler à personne. Après tout, j’avais enfin réalisé mon rêve. J’avais tout pour être heureuse. Alors que je me morfondais à comprendre mon état  inusité, le hasard a attiré mon regard vers un titre au rayon des livres à rabais au Canadian Tire : Le paradoxe du choix, de Barry Schwartz, Lafond, 2007.  Le livre m’interpelle. J’y apprends que plus on a de choix, moins on est capable de choisir et que le plaisir associé à l’accomplissement de nos plus ardents désirs… ne dure qu’un moment. Quelle affaire!

En prime, je constate que je suis assise toujours au même endroit sur le divan, je dors toujours sur le même côté du lit, et les enfants ne viennent pas si souvent manger à la maison, trop occupés à vivre leur vie. En d’autres mots, la plupart du temps, je n’occupe que 160 pi ²!

De plus, j’ai été confrontée à des moisissures suite à une infiltration d’eau et à d’autres problèmes incommensurables reliés au condo. Mon bonheur et mon compte en banque ont fondu, du,du,du comme dirait le Capitaine Bonhomme. Plus on a de pommes, plus on a de pépins !

Suite à notre participation au groupe de simplicité volontaire, Marcel a annulé sa visite au Salon de l’automobile et son projet d’achat d’un 4X4 et il se contente de son petit filtre à café individuel au déjeuner. Et en ce qui me concerne, j’ai mis mon condo en vente.

Il vaut mieux évaluer ses vrais besoins au moment d’un achat, si petit soit-il. Notre participation au groupe de simplicité volontaire, nous aura permis de mettre en lumière nos valeurs et de nous aider à faire des choix plus éclairés.

 Rédigé par Élise-Marie Bergeron en collaboration avec Marcel Raymond

10 réflexions sur “La dernière tentation de Marcel”

  1. Tsissi Arregba

    Très intéressant votre article, et que dire de votre humour de nous décrire tout cela, Bravo!
    Il montre à quel point nous tombons facilement dans l’engrenage de la surconsommation.

  2. Ça démontre bien à quel point il est important de toujours prendre le temps de penser à nos actions, achats et choix. On fait des erreurs, on est pas parfait. Le chemin vers la simplicité volontaire n’est pas une ligne droite, mais c’est le processus qui compte. Et il n’est jamais trop tard pour changer d’idée!

    Merci pour ce texte 😉

  3. Johanne Barrette

    Élise-Marie, avec ou sans Marcel, je trouve que vous avez une fort belle plume! Comme c’est bon d’observer de nos travers et d’en rire. C’est probablement comme ça qu’on s’en détache. Que de justesse dans vos propos tout en étant fort rafraîchissants! À tous deux: merci pour ce partage d’anecdotes de vie enrichissantes.

  4. Excellent article sur l’abondance démesurée du choix! Ça fait plus de 15 ans que je n’ai pas de câble chez moi, donc pas de publicité! Un jour, j’ai passé 2 nuits dans une chambre de motel (oui chez un motel à prix modique!) au Saguenay au début de février et un télévision y était! Illico aussi! Par curiosité, j’ai allumé la télévision pour regarder un film et j’ai été estomaqué par la multiplié de postes (plus de 100)! Finalement, je n’ai rien décidé! Dégoûté, j’ai fermé la télévision tout simplement…

  5. Savoureuse ta plume Élise-Marie!
    Vraiment pleine d’humour et réaliste.
    Salutations à Pauline.
    Merci de votre partage toi et Marcel.

    Diane P.

  6. Jean Guy lemoine

    Bon texte. Mais pas facile de résister: tout autour de nous nous fait croire que le café sera meilleur si…. Que la grosse voiture sera plus performante…. Que que que. Il faut être prudent et éveillé en tout temps.

  7. J’ai beaucoup souri en lisant votre texte. Par déduction, j’ai traduit une partie du vocabulaire. Oui, parce que vivant en France, le “condo” et l’unité de mesure utilisée ne me parle pas du tout …. (un petit traducteur automatique 🙂 ?

    continuez surtout ! même si je ne prends pas le temps de commenter les articles, soyez assurés qu’ils sont lus à chaque parution.

  8. Je viens de lire ce texte avec BEAUCOUP de plaisir, et j’ai éclaté de rire à quelques reprises! Comme c’est une réflexion concrète, probablement commune à bien des gens, et relatée de manière si vivante.

    Sans aucun doute un témoignage plus éloquent et efficace que bien des articles plus “songés” que j’ai pu écrire dans ma vie sur la simplicité volontaire.

    Merci Élise-Marie… et Marcel!

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