S’il est une chose qu’on répète souvent en simplicité volontaire, c’est bien l’importance d’apprendre à distinguer entre ses besoins et ses désirs. Entre l’essentiel et l’accessoire. Entre un certain nombre de choses bien limité et des rêves ou des envies littéralement illimitées.
Pour vivre (et pour bien vivre), l’être humain a besoin de boire et de manger, de se vêtir, de se loger, d’être en relations significatives, d’apprendre et de contribuer au développement collectif. Mais ce qu’il va boire et manger, ce dont il va se vêtir ou la manière de se loger font habituellement l’objet de désirs innombrables, sans cesse changeants et le plus souvent inassouvis. Telle est la spirale de ce qu’on appelle (souvent à tort) le « progrès » et certainement le moteur de ce qu’on sacralise comme le « développement économique ».
Mais pas la clé du bonheur! Aristote disait, il y a déjà 2500 ans, que « les désirs humains sont insatiables »… Comme la carotte qui fait courir l’âne ou les mirages sans cesse repoussés et renouvelés.
Besoins ou désirs? Cette question, posée avant tout achat, réduit singulièrement le coût de la vie! Et l’encombrement de nos vies ou de nos maisons.
Mais jusqu’ici, moi qui ai si souvent parlé de cela en conférences ou écrit à ce sujet un peu partout, j’avais l’impression que cela s’appliquait essentiellement aux biens matériels : ai-je vraiment besoin de ce nouvel ordinateur? de ce chandail à la mode? de ce repas au restaurant?
Plus récemment, je me suis rendu compte que cette distinction entre besoins et désirs devait tout autant s’étendre aux biens immatériels, culturels ou spirituels : on peut (sur)consommer les spectacles, les lectures ou les sessions de croissance personnelle avec autant d’appétit ou de boulimie que les outils, les résidences secondaires ou les vacances.
Mais ce n’est que maintenant, des années plus tard, que je découvre que la simplicité volontaire s’applique tout autant au niveau psychologique qu’au niveau économique. Et que la priorité aux besoins sur les désirs est une condition essentielle de tout équilibre psychique.
Ma vie est traversée d’innombrables désirs : amoureux, intellectuels, culinaires, de loisirs, etc. Et pour chacun de ces domaines, les objets de désirs se renouvellent sans cesse : au niveau culturel, par exemple, il suffit de lire les « cahiers de fins de semaine » pour constater à quel point nous sommes sans cesse sollicités par de nouveaux romans, films, chanteurs, danseurs, CD ou DVD!
Je suis donc, si je n’y prends garde, occupé à désirer à temps plein, et à désirer infiniment plus de choses que je ne pourrai jamais en consommer, même si je n’avais aucune contrainte financière ni géographique. Car il y a deux contraintes qu’on préfère ne pas voir ou admettre de nos jours, mais qui demeurent incontournables : le temps et le caractère limité de la condition humaine. On a beau accélérer sans cesse la cadence, multiplier les moyens censés nous faire sauver du temps, inventer des gadgets électroniques permettant le « multi tasking » ou combinant toutes les communications planétaires dans moins grand que la main, l’être humain n’a toujours que 24 heures dans chaque journée, son cerveau peut encore difficilement bien faire plus d’une chose à la fois et son corps vieillit et dépérit inexorablement jusqu’à la mort.
Et pendant que je m’épuise à essayer d’assouvir un nombre maximum de désirs (même les plus nobles ou les plus justifiables), j’oublie tellement souvent mes besoins les plus élémentaires ou les plus fondamentaux : prendre le temps de m’arrêter pour choisir vraiment en fonction de mes priorités (ce qui suppose d’avoir d’abord pris le temps d’identifier ses priorités), me reposer ou me ressourcer vraiment, voir les amiEs qui me sont le plus chers, me nourrir bien physiquement, psychologiquement et spirituellement, etc.
Ces besoins qui sont pourtant beaucoup plus importants et beaucoup moins éphémères que la plupart de mes désirs, mais que j’ai trop souvent tendance à négliger, emporté que je suis par le tourbillon de la vie et les sollicitations en croissance exponentielle auxquelles je suis exposé.
Si vous avez le goût de vérifier par vous-même, je vous suggère de faire l’exercice très simple et révélateur que suggère Mark Burch, dans son magnifique livre La voie de la simplicité, pour soi et pour la planète (pages 164-166). Divisez une feuille en quatre « fenêtres » dans lesquelles vous inscrirez toutes vos activités. La première fenêtre contiendra tout ce que vous jugez « important et urgent »; la seconde, ce qui pour vous est « important et non urgent »; la troisième, ce qui est « urgent mais non important »; et finalement la dernière, ce qui est « non important et non urgent ».
Vous serez étonné de constater quelle place occupent les choses non importantes, et combien les choses importantes sont souvent reportées à plus tard, surtout quand elles ne sont pas urgentes! Où sont donc vos besoins? Et vos désirs?
Et comment peut on mettre en désir une société?
Et comment peut on mettre en désir une société ou une communauté?
Mais comment donc différentier un besoin d’un désir ? Mon amie vivait dans un pays de l’Est. Alors que j’essayais de comprendre et de combattre son “désir” d’acheter des produits de marque (je pense notamment aux habits), je n’ai compris que tardivement qu’elle en avait “besoin” ! En effet, on ne peut pas se présenter à un entretien d’embauche avec un chemisier ou un pantalon sans marque. Ou plus exactement, on peut mais on ne sera pas retenu. Parce que chez elles ceux qui ont accès au travail sont des gens “biens”… des consommateurs. Comment faire son travail correctement si l’on n’est pas un consommateur ?
J’ai le sentiment que pour s’intégrer dans la société, il faut en accepter les règles. L’une de ces règles stipule qu’il faut consommer, et donc désirer. Alors désirons et consommons. Même les besoins de bases ne sont plus des “besoins” (voir la malbouffe, liens sociaux altérés, etc).
Ne faut-il pas revoir les fondements de la société ?
Bonne chance !
“L’important n’est pas d’être un loup ou un mouton. L’important c’est d’être un mouton heureux.” Léon
C’est peut-être la notion de choix qui distingue l’attitude à adopter face au désir et au besoin.
Nous DEVONS répondre à nos besoins pour survivre et être bien. Nous DÉCIDONS lesquels de nos désirs nous souhaitons satisfaire, en tenant compte du coût d’option, et de l’impact du fait d’y répondre. Rejeter les désirs n’est pas je crois la voie préconisée par la simplicité volontaire.
Même le boudhisme pointe non pas le désir lui-même comme la source des souffrances dans nos vies, mais bien l’attachement à celui-ci.
Merci du précieux commentaire. Ça invite (pour moi aussi) à pousser plus loin la réflexion…
Cette réflexion sur les besoins et désirs non matériels est très très intéressante!! Elle pourrait faire l’objet d’une recherche passionnante!
Voici une petite partie de mon intro de thèse….
Saint Augustin, l’un des premiers philosophes chrétiens de l’histoire, a dit : «le bonheur, c’est de continuer à désirer ce qu’on possède». Une simple phrase qui intègre pourtant trois éléments auxquels les êtres humains tiennent généralement beaucoup : le bonheur, le désir et les possessions. Une réflexion facile à exprimer mais parfois difficile à appliquer, surtout pour les consommateurs vivant dans les sociétés occidentales et constamment sollicités pour la consommation…..
Cette difficulté de nous contenter de ce que nous avons émane peut-être simplement de la nature humaine, qui fait que les gens prennent rapidement pour acquis ce qu’ils possèdent et continuent toujours à convoiter «La Chose» qui, selon eux, va leur procurer la sensation de bonheur tellement recherchée…..
Le “problème” avec les désirs, c’est que c’est tellement plus grisant et vivifiant de les combler que de combler des besoins. Le désir est le moteur fondamental de notre conduite. Je désire du gâteau au chocolat, mais j’ai besoin de manger pour vivre. Alors va pour le gâteau pour combler ma faim, même si ce n’est pas ce qu’il y a de plus santé, parce que c’est bon et que ça fait plaisir à mes papilles gustatives!
Renoncer à nos désirs, c’est renoncer à l’action. Je crois que la solution, ce n’est pas nécessairement de remplacer nos désirs par des besoins, mais bien de canaliser nos désirs et de les diriger dans un sens qui correspond également à nos besoins. Par exemple, dans le cas du gâteau, je ne me prive pas de mon envie de chocolat, mais je le remplace plutôt par une mousse faite maison à base de tofu à dessert, de miel et de cacao. Miam! Une bonne source de protéines végétales et un plaisir décadent tout en un!