Voilà! J’ai manqué mon rendez-vous de vendredi dernier. Et le texte que j’avais prévu écrire pour le Carnet était justement sur mesure pour ce rendez-vous manqué : y a-t-il quelqu’un, ou pas, avec qui j’ai rendez-vous? Y a-t-il des lecteurs et des lectrices de ce blogue? À qui est-ce que je m’adresse chaque semaine?
J’avoue d’emblée mon ambivalence : je suis un peu déçu du peu de réactions ou commentaires formulés jusqu’ici; mais en même temps, je ne souhaite pas que les interactions suscitées par le Carnet grugent davantage de temps que j’en consacre déjà pour l’écrire (me demander chaque fois : faut-il répondre? engager un débat? assurer un suivi?).
Au fond, j’ai trois problèmes avec l’informatique et Internet : le temps, l’abondance et le cerveau. Je m’explique.
Je passe déjà beaucoup (trop) de temps devant mon écran d’ordinateur : surtout pour mon travail, ma militance et mes engagements, mes contacts amicaux et familiaux; un peu pour la recherche d’informations et les loisirs; et même maintenant pour certains apprentissages (solfège, ornithologie, etc.). Au point que je pourrais difficilement vivre sans ordinateur, à moins de modifier profondément ma façon actuelle de vivre. L’ordinateur, qui devait être un outil destiné à nous faciliter la vie, est devenu rapidement (pour moi du moins) un élément incontournable qui dicte une bonne partie de mes façons de faire. Le serviteur est devenu un maître. Et s’il a multiplié mes possibles, il a beaucoup plus renforcé ma dépendance que ma liberté.
Internet et l’informatique ne cessent effectivement de multiplier les possibles : la quantité d’informations et de stimuli accessibles grandit de manière exponentielle. Livres dans toutes les langues, films professionnels et amateurs, encyclopédies officielles ou participatives, banques d’images et d’œuvres d’art, journaux et télévisions de partout dans le monde, milliards de pages, de sites, de blogues, de listes de discussions, de réseaux sociaux, etc. Et chaque seconde ajoute au matériel disponible! Pendant ce temps-là, mon cerveau n’a pas changé et mes journées ne comptent pas une seconde de plus pour absorber tout ce surcroît d’input. Même sur des sujets aussi importants que la simplicité volontaire!
Mais le cerveau change peut-être plus qu’on le croit. Et pas nécessairement pour le mieux. Car l’informatique omniprésente dans la vie humaine, du berceau à la tombe, risque de modifier la façon même d’appréhender le monde, la manière de réfléchir, le rapport au temps, à l’espace et aux individus d’une manière profonde et considérable : on ne réduit sans doute pas impunément toutes les réalités humaines complexes (des formes aux couleurs, en passant par les théorèmes, les images et les odeurs) en une simple succession de 1 et de 0.
Voilà pour mes questions face à l’informatique. Mais pour revenir à ce carnet et à ma question de départ, pourquoi donc écrire chaque semaine une ou deux pages supplémentaires qui vont s’ajouter à cette masse démentielle d’information virtuelle?
Pour l’instant, ce qui me ramène hebdomadairement devant mon clavier, c’est une confiance méthodique dans le calcul des probabilités : sur le lot de tous les possibles, il y en a forcément qui vont se réaliser. Un peu comme les bouteilles jetées à la mer, dont on ne sait qui, quand et où on les trouvera, mais dont on croit que quelqu’un, quelque part, un jour, en fera son profit.
C’est aussi une espérance spirituelle dans la force de la Vie : l’essentiel finira par surnager au milieu du futile, le beau et le bien finiront par se frayer un chemin au cœur des obscurités et des problèmes, l’Amour finira par triompher de la Mort. Pari de foi, j’en conviens, au milieu de cette jungle du cyberespace.
Mais c’est aussi une expérience bien personnelle et concrète des possibilités mystérieuses de la Toile. Deux jours après le 11 septembre 2001, j’écrivais un texte destiné aux journaux « Et si la réponse n’était pas dans les représailles? ». Et je l’envoyais aussi à touTEs les correspondantEs de mon carnet d’adresses électroniques. Les journaux ne l’ont presque pas publié. Mais il a fait le tour du monde. J’en ai reçu des échos multiples et plus hautement improbables les uns que les autres : quelqu’un l’avait lu dans le cabinet de son dentiste, un Haïtien vivant à Miami l’avait reçu de l’aumônier de son ancien collège, un internaute inconnu de France me renvoyait, un an plus tard et sans le savoir, parmi sa liste de contacts, mon propre texte qu’il avait reçu d’un correspondant d’Italie qui l’avait lui-même reçu d’un contact en Afrique!
Y a-t-il quelqu’un sur la Toile? Oui, des millions de personnes! Y a-t-il quelqu’un qui lit ce carnet? Certainement au moins quelques personnes, puisque nous recevons parfois des commentaires. Et sans doute beaucoup plus que ceux qui se donnent la peine de nous en faire part. Y a-t-il quelqu’un qui lira ce texte en particulier? Aucune possibilité de le savoir au moment où je l’écris. Et certainement personne si je ne l’écris pas! Mais peut-être quelqu’unE, quelques-unEs ou même plusieurs, au fil des jours, des mois et des semaines, pour les raisons les plus diverses, au détour de furetages imprévisibles sur Internet ou au contraire au terme d’une recherche ciblée, etc.
Écrire dans un blogue, c’est lancer humblement sa bouteille à la mer. Sans prétention d’importance ou d’efficacité. Comme sa petite contribution à la réflexion commune et à la construction du monde.
À la prochaine!
“Avec internet, jamais la terre n’aura été si petite et les gens si éloigné.” C’est une citation que j’ai déjà entendu et que je trouvais approprié au sujet.
Je viens sur ce carnet de temps en temps, sans y sentir une obligation ou m’obliger à une ponctualité. C’est vrai qu’interagir sur le net peu prendre beaucoup de notre temps et sans me priver de cette source d’information et de loisir, j’essaie d’avoir un équilibre dans ma vie et de limiter mes interventions à l’essentiel.
Je ne vous connaissais pas, je suis de Belgique et j’ai créé un groupe de Simplicitaires. Je suis tombée sur votre blogue en cherchant des informations.
Je partage tous les commentaires de vos lecteurs.
J’envoie souvent des courriels en ne sachant s’ils sont lus et je n’attends pas de réponses. Je suis heureuse de partager une information ou un sentiment, une émotion, une photo.
Il faut continuer car en effet les bouteilles à la mer dérivent presque toujours vers un rivage où on les ouvre.
Bon combat.
Je ne sais toujours pas si je souhaite ou pas entreprendre un dialogue avec ceux et celles qui prennent la peine de commenter les textes du Carnet, ni si le lieu approprié pour cela (pour moi du moins) est de participer à l’échange par le biais des commentaires (au fond, faire de chacun des textes du Carnet un sujet -et un lieu- d’échange spécifique) ou plutôt de réserver mes commentaires et mes interventions pour les textes que j’écris régulièrement… Je continue à y réfléchir et à voir comment le Carnet évolue concrètement dans la pratique.
Mais je tenais quand même à remercier tous ceux et celles qui ont réagi (ou qui le feront) au présent texte: à la fois parce que cela me (et nous) donne un peu le pouls de ce qui s’est développé jusqu’ici (c’est confortant et stimulant) et que ça fournit de précieux éclairages sur certains points soulevés (marie sans importance et François sur l’attitude face à la surabondance ou à l’informatique).
Cher Dominique, je me suis dernièrement posé plusieurs questions également au sujet du rôle ou de l’impact de l’informatique et de l’internet sur nos vies – complication ou simplification?
Pour la plupart, sans doute – spécialement ceux qui y puisent régulièrement dans ses sources infinies d’informations et de possibilités de contacts virtuels – l’internet complique, et parfois même envahit plus qu’elle ne simplifie.
Mes réflexions m’ont tout-de-même amené à la conclusion suivante: il s’agit d’un outil, et il est de notre devoir de s’en servir à des desseins importants à nos yeux, sans perdre de vue notre équilibre, ou se laisser contrôler par elle.
Depuis peu, j’ai ainsi beaucoup simplifié mes outils informatiques, réduit le nombre de mes logiciels, gadgets, icônes, barres d’outils, favoris, etc. Je me suis désabonné de nombre de blogues et listes de diffusions. J’ai limité ma participation aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter). J’ai aussi décidé d’utiliser mon ordinateur pour fonctionner “sans papier” – tant au travail qu’à la maison. N’ayant plus de papiers (ou presque), je n’utilise plus de brocheuse, perforatrice, étiquettes, chemises, dossiers, filière, déchiqueteuse, etc. Je n’ai pas de papier à classer ou à traiter. J’utilise Google Desktop pour rechercher mes fichiser sur le disque dur – je n’ai donc même plus besoin de classer mes fichiers.
Je crois donc qu’il faut partir de ce qui est essentiel pour nous, et n’utiliser que les outils qui en favorisent le développement et l’expression, sans nous projeter dans le déséquilibre.
Merci Dominique de continuer à exprimer ta passion. Sache qu’elle est contagieuse, et une nourriture pour moi.
J’y suis aussi, et je vous suis, régulièrement.
J’erre parfois sur le net, mais je suis fidèle à certains sites, comme le vôtre.
J’aime suivre vos idées; elles me rassurent.
Devrions-nous tous être plus interactifs? Oui, sans doute, mais je me plais aussi, parfois, à me laisser bercer par ces informations, sans y répondre.
Vos efforts méritent d’être louangés. Est-ce par le nombre de commentaires qu’ils sont récompensés? Si oui, alors je m’efforcerai de répondre plus souvent! C’est qu’il fait tempête dehors…. Je sors.
J’ai souffert moi aussi- et surtout au début – de la surabondance d’infos et de sources d’infos. Aujourd’hui, je me concentre sur quelques sites et/ou blogs. Ce carnet en fait partie, tout comme quelques autres.
Oui Dominique, il y a quelqu’un sur la toile !
Merci Dominique pour tes textes, je les lis presque tous, effectivement mais je ne répond pas beaucoup ces temps-ci… Faute de temps!
Julie Arseneau
Internet rapproche-t-il forcement les gens ?
Bravo !