Depuis longtemps, on nous objecte : « C’est bien beau, la simplicité volontaire. Mais que faites-vous de tous ceux et celles pour qui la simplicité est involontaire? »
Cette préoccupation n’est pas nouvelle au Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV). Déjà, le 20 juin 2004, dans le cadre d’une session de formation donnée à Rougemont, le RQSV réfléchissait sur ce que pouvait signifier la simplicité volontaire dans un contexte de pauvreté. Plus concrètement, on se demandait comment on pouvait parler de la simplicité volontaire à des gens qui n’ont pour seuls revenus que le « bien-être social » comme on disait à l’époque.
Mon objectif n’est pas de traiter cette question importante dans ce billet, mais plutôt de signaler la parution récente (au printemps 2011) d’un excellent petit livre qui traite de cette réalité à partir d’une expérience vécue tout à fait exceptionnelle : Parenthèse, deux mois d’errance urbaine, par Pierre Côté (Éditions Fides, 258 pages).
CertainEs d’entre vous auront vu ou entendu parler de la série documentaire Les naufragés des villes, diffusée pour la première fois à partir de janvier 2011 par le Réseau de l’information de Radio-Canada (RDI). Les autres pourront prendre connaissance de l’expérience et même en visionner les 10 épisodes sur Internet. En résumé, il s’agissait, pour deux volontaires, de vivre pendant deux mois dans une grande ville qui leur était étrangère (Montréal) avec pour seul revenu les 592 $ mensuels accordés aux prestataires de la sécurité du revenu. À travers l’expérience vécue par Emmanuelle Chapados, 27 ans et diplômée en journalisme de Moncton, et Pierre Côté, 53 ans et expert en marketing de Québec, on découvre l’univers de la pauvreté, de l’isolement, de la « débrouille » nécessaire pour la survie, mais aussi les ressources de l’entraide, des services disponibles, etc. Une simplicité le plus souvent forcée, mais qui nous ramène quand même forcément à l’essentiel.
Pierre Côté ne s’est pas contenté de vivre l’expérience pour la série télévisée : il en a tiré un livre pour partager, de manière plus large, plus approfondie et plus durable, ce que lui ont fait vivre à tous les niveaux ces deux mois d’immersion dans une réalité qui lui était complètement étrangère : doutes, insécurités, remises en question, découvertes, petites et grandes joies, changements de perspectives, etc. Non seulement il nous permet de vivre avec lui les péripéties quotidiennes et les réflexions qu’elles lui suggèrent, mais il nous fait aussi voir « l’envers du décor » de la série télévisée et comment l’équipe de production est elle-même touchée par l’expérience qu’elle a mise en place.
Pierre Côté a fondé en 2006 « l’Indice relatif de bonheur », un outil de mesure des composantes de ce « sentiment » à la fois si recherché et si difficile à atteindre qu’est le bonheur. Cela, pour aider les décideurs à évaluer leurs décisions et leurs politiques à la lumière de l’impact qu’elles risquent d’avoir sur le bonheur des personnes et des collectivités. Cette « expertise » sur le bonheur permet donc à l’auteur de confronter les divers éléments de son expérience de « naufragé des villes » avec leur incidence sur le bonheur, le sien et celui de ceux et celles qui l’entourent. Et cela donne au témoignage de son livre une richesse et une profondeur supplémentaires qui ne peuvent manquer de nous questionner.
Écrit presque à la manière d’un journal de bord, d’une écriture alerte et facile d’accès, Parenthèse se lit d’une seule traite : une façon passionnante de vivre l’expérience par procuration tout en ayant la chance d’en partager les leçons. Une lecture qui devrait être obligatoire pour touTEs les citoyenNEs : car même si personne n’est obligé d’en tirer les mêmes conclusions que l’auteur, il est évident que personne ne pourrait sortir de sa lecture totalement indemne et que personne ne verrait plus les itinérantEs ou les « BS » (prestataires de la sécurité du revenu) de la même façon qu’avant.
Comme quoi la simplicité involontaire peut parfois nous en apprendre autant que la simplicité volontaire!