La simplicité volontaire de 1936 À 2013

GreggJe viens de relire « La valeur de la simplicité volontaire », qui vient tout juste d’être traduit en français, 77 ans après sa première publication en Indes en août 1936! Ce court texte écrit par Richard B. Gregg est à l’origine de l’expression « simplicité volontaire » puisque c’est cet Américain disciple de Gandhi qui, le premier, a réuni ces deux mots pour en faire l’expression bien connue aujourd’hui.

Mais si l’expression est suffisamment passée dans l’usage courant pour être reconnue par l’Office québécois de la langue française depuis 2002, son contenu précis continue d’être utilisé à toutes les sauces, souvent assez éloignées de son véritable sens. D’où l’intérêt de remonter à son origine pour retracer les intentions de l’auteur.

Pour Richard Gregg, le mot le plus important des deux est « volontaire ». Non pas compris comme le contraire d’imposé, mais plutôt dans le sens d’ « être conscientE », de choisir ses propres priorités, d’être « au volant » de sa vie. Et la simplicité n’est qu’un moyen qui vient en second, pour éviter de se laisser distraire ou détourner de ses propres priorités.

Pour lui, la simplicité volontaire suppose à la fois une condition intérieure et une condition extérieure : une clarté et une sincérité d’objectif à l’intérieur et une absence d’encombrement extérieur qui pourrait nuire à cet objectif. Bref, une organisation consciente de notre vie dans un but précis : « It means an ordering and guiding of our energy and our desires, a partial restraint in some directions in order to secure greater abundance of life in other directions. »

En ce sens, la SV n’est ni la pauvreté, ni l’ascétisme, ni même le fait de vivre de la manière la plus économique ou avec le moins de choses possible. Gregg dit clairement que la pratique de la SV sera toujours relative (elle ne pourra pas signifier la même chose pour un Indien et un Américain) et individualisée (puisqu’il s’agit pour chacunE d’identifier ses propres priorités et d’éviter ses propres obstacles qui pourraient l’en détourner).

Il est fascinant de constater à quel point Gregg se révèle visionnaire. Nous sommes en Indes en 1936, bien avant le début et l’essor de la société de consommation qu’on situe généralement après la Deuxième Guerre Mondiale dans les pays occidentaux. Et pourtant, il discerne déjà les pièges et les culs-de-sac qu’annoncent la production de masse, l’internationalisation du commerce, les développements de la science et la complexité grandissante de l’existence dans les sociétés industrialisées.

Alors que ni la télévision, ni l’énergie atomique, ni l’exploration spatiale, ni bien sûr l’ordinateur et ses innombrables déclinaisons informatiques ne sont encore à l’ordre du jour, il intuitionne déjà, à partir de l’exemple du… simple téléphone, comment ce qui est destiné à nous faciliter la vie va, dans les faits, l’encombrer et la complexifier toujours davantage.

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Puis, pendant 40 ans, on n’entendra plus parler de « simplicité volontaire ». Et ce n’est qu’en 1976 que deux chercheurs en sciences sociales de l’Université Stanford, Duane Elgin et Arnold Mitchell, vont ressusciter l’expression et y déceler un potentiel important pour l’avenir de la société de consommation américaine. Leur texte, « Voluntary Simplicity », sera repris dans une revue de la Côte Ouest à l’été 1977 avant de devenir, en 1981, la base du premier livre consacré au sujet : « Voluntary Simplicity, Toward a way of life that is outwardly simple and inwardly rich », de Duane Elgin.

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À partir de là, je ne retracerai pas ici toute l’histoire de la SV, au Québec comme ailleurs dans le monde. Je me contenterai de rappeler que Serge Mongeau fut sans doute le premier à publier un livre en français sur le sujet, dès 1985, aux éditions Québec Amérique. Et que c’est la réédition du livre, en 1998 aux éditions Écosociété, qui donnera véritablement son coup d’envoi au mouvement de la SV, au Québec et ailleurs dans le monde francophone, avec la naissance du Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV) en avril 2000.

En 2013, on peut constater que la SV n’est plus au Québec le sujet à la mode qu’il a été dans les années 2000. Mais il est graduellement entré non seulement dans le vocabulaire mais aussi dans nos vies, individuelles ou collective. Des milliers de personnes et de familles en ont entendu parler, ont lu ou participé à des rencontres sur le sujet, en pratiquent l’un ou l’autre aspect ou en ont même fait leur philosophie de vie.

Et comme j’avais l’habitude de répondre, il y a plus de 10 ans, quand on me demandait si la SV était une simple mode passagère, « je ne sais pas si l’intérêt pour la SV se révélera, à l’usage, une mode ou pas; mais je suis absolument convaincu d’une chose : les besoins auxquels la SV cherche à apporter des réponses, eux, sont là pour rester, et même pour devenir de plus en plus pressants! »

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