Je fais partie d’un groupe d’une dizaine de personnes qui, à l’initiative de Serge Mongeau il y a quelques années, ont accepté de donner mille dollars par année pour constituer un Fonds pour la résilience alimentaire. Devant les changements majeurs (certains parlent de catastrophes) qui pointent à l’horizon en raison des changements climatiques, de nombreux groupes et personnes développent des réponses différentes:
- mouvement international des Villes et villages en transition
- de nombreux groupes «survivalistes»
- groupes d’expérimentations des alternatives (parmi lesquels il faut compter la simplicité volontaire et ce Fonds pour la résilience alimentaire, chargé de financer des projets (souvent des micro-projets) permettant d’assurer une plus grand autonomie alimentaire aux populations locales.
Dans ce contexte, nos décisions sont souvent prises par échanges de courriels, qui se limitent généralement à approuver, ou non, la demande de financement, quitte à formuler certaines suggestions ou conditions pour l’obtention du prêt ou de la subvention.
Mais tout récemment, à l’occasion d’une demande d’argent plus importante formulée par un groupe de Pointe St-Charles (à Montréal) associé à la longue bataille (gagnée) pour obtenir la survie et la gestion communautaire de ce qui est appelé là-bas «le Bâtiment 7», plusieurs membres du Fonds se sont interrogés sur la façon d’analyser de tels projets.
Et c’est dans ce contexte que je me suis permis de formuler une assez longue réflexion (surtout pour un courriel) sur comment je pensais qu’on devait raisonner, dans une situation d’urgence planétaire, face à des projets bien concrets et forcément limités. Je croyais cette réflexion personnelle utile pour la réflexion collective du groupe, même si j’ai su par la suite (comme je m’en doutais) que plusieurs des membres ne l’avaient tout simplement pas lue (ou rapidement survolée), faute de temps ou de priorité devant l’abondance des communications; et que plusieurs cherchaient avant tout, dans mon courriel, le choix concret que je faisais (Option 1, 2 ou 3?).
Avec la permission des auteurEs, je reproduis ici la partie essentielle de l’échange de courriels, pour deux raisons:
- pour illustrer concrètement mon blogue précédent sur «est-il possible de penser court?» (les deux personnes ayant fourni l’analyse la plus substantielle, sur deux aspects bien différents, étant les deux personnes dont les courriels sont les plus longs, et de loin)
- pour partager l’information au sujet du Fonds pour la résilience alimentaire (assez discret jusqu’à présent), l’analyse que nous faisons des projets et, qui sait, peut-être donner à d’autres l’idée de faire pareil…
Pour des raisons de commodité de lecture, j’ai replacé les courriels dans leur ordre chronologique.
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De : Marcel S.
Envoyé : 24 mai 2017 08:57
À : Serge Mongeau
Objet : Demande de fonds pour la résilience alimentaire
Bonjour Serge,
Comme je te l’avais déjà annoncé voilà quelque temps, je te fais parvenir une demande de fonds pour notre projet d’épicerie de quartier qui s’implantera dans le bâtiment 7, http://www.batiment7.org/. Implanter une épicerie, c’est-à-dire prendre notre alimentation en main, est un projet osé comme l’est d’ailleurs celui du B7 dont la phase A est actuellement en rénovation.
Tu trouveras ci-joint une feuille synthèse ainsi que la demande plus élaborée pour une demande de 10,000$. Aussi, je joins un document si vous souhaitez en savoir plus sur la philosophie du projet.
Je mets en copie X qui sera la répondante de cette demande, car je ne veux pas être juge et partie de cette demande, laissant tout le loisir aux autres membres de prendre une décision.
Amitiés
Marcel
Le 25 mai 2017 à 10:47, Serge Mongeau a écrit (aux membres du Fonds):
Bonjour!
Vous n’avez pas souvent de nouvelles du Fonds! Mais nous sommes toujours là. Et tout se passe bien : accueil d’un nouveau membre, remises régulières de La Place commune, pour le prêt consenti, demandes de subvention non pertinentes écartées. Et dans le Fonds, un montant de 27 448$ plus quelques intérêts.
Aujourd’hui, une demande importante qui nous vient de Pointe-St-Charles. Je vous transmets les documents expliquant le projet. Et vous demande de répondre aux questions suivantes :
1) Désirez-vous une rencontre pour décider du projet? Si oui, j’enverrai un Doodle.
2) Si non, quelle position adoptez-vous devant cette demande (oui telle quelle, oui en partie avec quelques modifications, non).
Il n’y a pas d’urgence à répondre à cette demande; mais je ne vois pas pourquoi nous tarderions à le faire. Alors je fixe au 15 juin l’échéance pour vos réponses.
Merci encore de votre collaboration.
Serge
De : S. (membre du Fonds)
Envoyé : 14 juin 2017 13:58
À : Serge Mongeau
Objet : Re: Demande de B7
Bonjour à tou-te-s,
Merci pour vos réflexions jusqu’à présent.
Je viens de prendre connaissance des documents; je précise que mon travail à la journée longue est d’analyser des demandes de financement de ce type, dans le secteur des organismes communautaires, associations et entreprises d’économie sociale.
Je rejoins Michel dans son analyse: le côté politique, critique de la société de consommation, est admirablement développé dans une réflexion riche.
Je trouve l’idée en elle-même emballante: dans nos groupes respectifs, il me semble que nous rêvons tous de la multiplication de telles épiceries, autogérées, privilégiant l’achat local sans écraser les producteurs, et répondant aux besoins locaux des populations. Le Détour préfigure le monde futur que nous essayons de faire émerger.
Toutefois je vois une grande faiblesse dans le dossier: il n’y a pas d’analyse de marché en tant que telle. Certes, il est fait mention du faible niveau de revenu des ménages avoisinants et du fait qu’il s’agit d’un désert alimentaire. On nous dit que les membres viendraient faire 3 heures de bénévolat par mois.
Mais je ne vois aucune référence à des discussions spécifiques avec ces fameuses familles défavorisées, qui sont pourtant visées comme clientèle. À quelle distance Bâtiment 7 se trouve-t-il des principales artères? Le bâtiment sera-t-il facile d’accès, l’accès sera-t-il déneigé en hiver? On proposera des produits de base, cela veut-il dire que les clients devraient être assez convaincus pour aller faire leur épicerie à 2 endroits différents: Le Détour, ainsi qu’une autre épicerie pour leurs besoins complémentaires?
Je vois que les membres du CA semblent avoir une solide formation universitaire et un engagement communautaire par le biais de coop d’habitation notamment. Mais parlent-ils réellement au nom des personnes qu’ils souhaitent servir? Ces personnes sont sans doute aux prises avec plusieurs difficultés pratico-pratiques au jour le jour, il faut que le projet soit assez convaincant pour les inciter à changer leurs habitudes.
Ont-ils quantifié le nombre de sympathisants si convaincus par le projet qu’ils viendraient mettre la main à la pâte 3h par mois? De combien de tels bénévoles ont-ils besoin pour faire tourner l’épicerie?
Bref, ma position serait de demander à l’équipe de préciser tout l’aspect de la clientèle, et aussi d’avoir une première idée de leur quantification des achats. Ensuite, nous pourrions regarder le projet à nouveau. Lorsque nous analysons des projets dans mon équipe, nous demandons un budget pour les 2 premières années (investissements, achats réguliers, revenus). De toute façon, dans un projet bien monté, ces informations devront être préparées (= nous ne demandons pas plus d’efforts qu’ils ne doivent en fournir de toute façon).
Je veux vous dire que je vois régulièrement passer des projets qui sont très forts par certains aspects, mais oublient des éléments fondamentaux, et l’analyse de la clientèle en fait souvent partie. Nous ne rendrions pas service à l’équipe en ne pointant pas dès à présent nos questionnements sur ces points. Dans mon expérience, c’est très utile de poser ces questions fondamentales à ce stade de la préparation du projet; celui-ci ne pourra en sortir que renforcé – ou bien la conclusion sera qu’il faut des ajustements au projet pour le faire fonctionner. Tout ceci augmentera les chances de succès.
Une façon pratico-pratique de savoir jusqu’à quel point les gens ont réfléchi au projet, c’est de demander des chiffres clés: combien de clients par mois (donc combien par jour – cela aide à visualiser), prix du panier moyen, marge moyenne sur les produits, fréquence de livraisons… Premières démarches avec des fournisseurs pour avoir une idée du prix de quelques produits clés (comme on le sait, les produits locaux sont généralement plus chers).
S’ils pouvaient avoir parmi leurs bénévoles quelqu’un qui a l’expérience du secteur du détail, ce serait vraiment un atout. Une ressourcerie que nous avons financée a véritablement pris son envol lorsqu’une nouvelle directrice, issue du commerce du vêtement, a repris les rênes: elle savait comment bien mettre les produits de l’avant, comment faire des promotions… Au-delà de la réflexion contestataire des membres du Détour, ces pratiques devront être envisagées, puisque la concurrence y a recours. Cela ne leur fera pas pour autant perdre leur âme.
Une personne ayant de l’expérience en finances ou comptabilité serait également très précieuse pour le montage et le lancement. Vu le succès de leur campagne d’autofinancement, je suis sûre qu’ils pourraient trouver de telles compétences parmi leurs sympathisants.
Une friperie demandait récemment du financement et me disait qu’en plus des vêtements, elle allait prendre en charge 150t de meubles par an. J’ai fait un rapide calcul avec eux, et je leur ai dit que cela impliquait de vendre 50 meubles par jour, 6 jours par semaine, 52 semaines par an. Dans le projet final que j’ai présenté pour décision, il n’y avait plus que 3 tonnes de meubles… Et pourtant, il s’agit d’un organisme sérieux qui avait bien réfléchi à son projet.
Désolée pour le long message.
Cela me fera plaisir de regarder un projet bonifié avec l’équipe du Détour (clientèle, fournisseurs, budget d’investissement et de fonctionnement).
Tel quel, je ne peux pas lui donner mon vote.
S.
Le 18 juin 2017 à 11:34, Serge Mongeau a écrit (à S. avec copie aux membres du Fonds) :
Bonjour!
Bravo pour cette belle analyse détaillée, qui sera certainement utile aux gens de la Pointe, si tu acceptes que nous la leur transmettions.
Quant à notre participation au projet, la décision n’est pas encore prise; nous consulterons à nouveau nos membres. Je voudrais maintenant vous communiquer ma position. Certes, sur le plan pratique, il manque certains éléments au projet pour s’assurer de sa réussite; et sans doute devraient-ils approfondir certains points soulignés par S.; mais je trouve qu’à ce moment de notre histoire, devant l’éventualité de l’effondrement à plus ou moins long terme, la mise sur pied d’une ressource commune en alimentation constitue un geste fort important. Je sais bien qu’il n’est pas sûr de réussir, mais il permettra d’explorer des ressources, de mobiliser autour de la question alimentation, et de contribuer à un plus grand projet, le bâtiment 7, fruit d’une longue bataille. Je trouve que c’est un projet à encourager et à aider le plus possible. Et j’opterais donc pour le financement en deux temps : la moitié de la demande immédiatement, l’autre dans un an, après avoir reçu un bref rapport d’étape.
Serge
From: S.
Date: June 20, 2017 at 12:03 PM
Bonjour à tous,
Merci Serge pour ton message, c’est important en effet de nous rappeler que nous sommes dans une course contre la montre. C’est une très bonne idée de faire suivre nos interrogations à l’équipe, cela pourra les aider.
Sur la base de nos échanges à date, je propose la chose suivante: que les membres du Fonds se prononcent en faveur de l’une des trois options ci-dessous:
– Option 1: Acceptation de la demande telle quelle; versement en deux fois si j’ai bien compris
– Option 2: Refus de la demande
– Option 3: réexamen de la demande après bonification, notamment des aspects liés aux revenus.
Je suggère que nous nous prononcions tou-te-s pour l’une des options ci-dessus d’ici vendredi, 23 juin fin de journée (une belle décision pour la St Jean Baptiste!)
Nous faisons face à tout un système en place. Une initiative d’épicerie solidaire aura bien plus de chances de frapper les esprits et de faire des émules (= effet multiplicateur) si elle met toutes les chances de son côté lors du démarrage. Sinon, elle pourra être utilisée comme contre-exemple, dans le sens « vous voyez bien, ça ne peut pas marcher et il n’y a pas d’autre option que les épiceries actuelles! »
Vous aurez compris que je me prononce pour l’ option 3.
Merci et belle journée!
S.
De : Dominique Boisvert à Serge Mongeau (avec copie aux membres du Fonds)
Envoyé : 22 juin 2017 11:45
Objet : Re: Demande de B7
Merci Serge d’avoir (sur)veillé et constaté que Michel et moi manquions sur la liste de certains envois. Effectivement, j’avais manqué l’envoi de S. et tout ce qui a suivi.
Je trouve l’analyse de S. ESSENTIELLE (c’est une chance pour le groupe d’avoir une ressource qui est impliquée concrètement dans le travail —c’est un métier et une expertise qui ne s’improvise pas— d’évaluation de tels projets novateurs pour qu’ils aient des chances de réussite).
Je m’adresse ici à Serge qui a eu la simplicité et la franchise de formuler de manière libre et transparente sa manière d’analyser le projet et d’arriver à sa décision (mais peut-être à d’autres qui partagent son analyse). Je prends cette peine (désolé si cela ajoute à la longueur du message) parce que je crois que notre réflexion commune (qui est, de facto, davantage une volonté commune d’AGIR et un souci de cohérence en mettant une partie de notre portefeuille en accord avec cette volonté) est également utile et importante même si, pour une foule de raisons valables, nous ne nous réunissons à peu près jamais.
À Serge (et les autres) donc:
- la vision catastrophiste, urgente (ou urgentiste?), que d’autres considèrent simplement réaliste, n’est à mon avis généralement pas bonne conseillère;
- la course contre la montre est réelle (cf. les changements climatiques par exemple) mais ne justifie aucunement d’essayer n’importe quoi (sous prétexte qu’il vaut mieux tenter quelque chose que rien)
- ma position personnelle à ce sujet est celle-ci: si j’avais à gager pour gagner, je gagerais que l’humanité ne gagnera pas cette course contre la montre; je souhaite ÉVIDEMMENT LE CONTRAIRE (comme la majorité, dont vous tous), et si je continue à travailler chaque jour contre ma prédiction, c’est parce que faire autrement serait contribuer moi-même à la réalisation de ma prédiction: c’est la position de Gramsci (privilégier l’optimisme de la volonté sur le pessimisme de la raison)
- personnellement, comme croyant, je trouve une raison supplémentaire d’agir ainsi dans l’espérance qui est un des piliers de la foi chrétienne: je ne l’impose (évidemment!!!) à personne, mais je ne la cache pas (ou je ne la cache plus) non plus dans la sphère du privé
- je reviens donc à la course contre la montre, indiscutable (quelle qu’en soit l’issue):
- devant le danger (qu’il soit inévitable ou simplement possible ou probable), nous devons nous préparer, de multiples façons: un des meilleurs exemples actuels est le mouvement de Transition; mais aussi les multiples expériences du film DEMAIN; et plus proche de nous, le projet du Bâtiment 7 (la partie résistance et lutte pour l’existence du projet a été menée et gagnée; reste la partie, non moins redoutable, de le faire vivre et, si possible, réussir et fleurir)
- notre Fonds pour la résilience fait partie de cet effort de préparation, de même que les divers projets (réussis ou moins) que nous avons appuyés jusqu’ici ou que nous continuons de recevoir et d’appuyer
- mais la seule préparation utile est une préparation qui réussit, de façon plus —ou moins— complète: rien n’est parfaitement réussi, bien sûr, mais un échec n’aide guère à la préparation (sauf si on apprend de cet échec et qu’on finit par réussir quelque chose!): en ce sens, le Fonds se doit de favoriser des réussites; il ne suffit pas d’encourager les bonnes volontés
- bien sûr, RIEN ne peut nous garantir la réussite; surtout pas en matière d’innovation sociale qui (presque par définition) travaille à contre-courant des forces considérables (financières, économiques et autres) qui dominent notre société
- mais ce n’est pas une raison non plus pour ne pas (grâce à l’expertise accumulée par des gens comme S. et d’autres groupes d’appuis à l’innovation) mettre le maximum de chance du côté de la réussite de ce devoir de «préparation» face au danger qui vient
- finalement, une expérience concrète vécue ici (dans notre village de Scotstown de 500 personnes) à l’été 2015: celle du Sain Café, un café communautaire mis sur pied pendant 15 semaines à l’été-automne 2015 sur une base entièrement bénévole. Si l’expérience dans son ensemble s’est révélée positive pour le village malgré de nombreuses difficultés, nous en avons tiré au moins deux leçons principales: 1) le bénévolat (qui seul a permis le succès financier de l’expérience) ne peut pas être une solution à moyen et long terme, à moins d’être sérieusement ancré dans un long processus et un tissu social qui a une histoire; 2) les données «bassement économiques» (étude de marché, marges de profit, coûts fixes et variables, exigences administratives et réglementaires, sources d’approvisionnement stables, etc.) ne sont pas des quantités négligeables ou des exigences optionnelles si on souhaite vraiment la réussite d’un projet
- bref, l’analyse politique juste, l’indignation ou la résistance nécessaires, de même que la bonne volonté et l’engagement sans limite, s’ils sont des atouts importants et souvent nécessaires, ne sont pas pour autant des ingrédients suffisants pour réussir (au moins partiellement) notre travail nécessaire de préparation
Désolé pour ce long détour (en espérant quand même qu’il puisse contribuer à la réflexion collective du Fonds). C’est ma modeste (et lointaine) contribution à travail du groupe, en plus des montants d’argent au Fonds.
Mon choix personnel: option 3; et, bien sûr, d’offrir de partager la sagesse et l’expérience de nos réflexions — surtout les conditions concrètes de réussite de S.— avec les gens du projet, s’il y sont intéressés. Et s’ils ne l’étaient pas, ce serait bien mauvais signe :-)…
Dominique
De: Serge Mongeau à Dominique Boisvert (avec copie aux autres)
Objet: RE: Demande de B7
Date: 26 juin 2017 17:18:56 UTC?4
Merci Dominique pour cette longue analyse.
Malgré qu’elle déplaise à bien des gens, je ne peux me départir de ma vision catastrophiste; ça n’est pas qu’une vision, c’est une prévision absolument certaine; il suffit de lire un peu les auteurs sérieux pour le savoir. Je sais bien que c’est un message que les gens n’aiment pas entendre; mais plus on retarde à l’entendre, plus il sera difficile d’affronter ce qui s’en vient.
Est-ce que le projet soumis par Marcel a des chances de réussir? J’espère bien et suis très content des suggestions de S., qui devraient aider. Mais pour moi, que déjà un tel projet s’élabore et réunisse des gens constitue un succès, dans notre monde si peu communautaire. Que naissent des projets concrets autour d’une alimentation plus autonome ne peut qu’aider à équiper des gens pour faire face aux situations que nous aurons à vivre dans les prochaines années. Et s’il y a un endroit à Montréal où les gens réussissent des projets irréalisables, c’est bien à la Pointe; la clinique médicale (le seul vrai CLSC qui reste), l’aide juridique, le bâtiment 7…
Devant l’urgence d’agir, il me semble que nous ne pouvons nous permettre la prudence des « investisseurs avisés » qui s’assurent que tous les projets dans lesquels ils investissent seront rentables. Pour moi, il faut encourager les projets audacieux dans lesquels des visionnaires s’investissent à plein. Je suis ainsi; loin d’être certain que ma position soit bonne. Aussi suis-je très content de la position que nous avons prise en tant que regroupement.
Serge
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis presque sans mots… ces échanges me font revivre intensément la folle aventure de la (défunte) Coopérative de solidarité en commerce responsable Tendre Vert de Lévis. Il y a tellement de similitudes avec le dualisme de l’acceuil qu’avait suscité notre projet que c’en est étourdissant! L’incroyable désir de changer les choses, face à logique inéluctable des forces du marché… je peux vous dire que les gens sont sensibles à la cause, mais encore plus à leur portefeuille. C’est triste quand on songe qu’on a tellement besoin de changer la donne, mais c’est tout à fait compréhensible quand on songe que tout le monde a aussi besoin de boucler son budget, et que les raisons de dépenser davantage pour un produit que pour un autre sont bien arbitraires… dans nos sociétés d’abondance!
Malgré l’échec de notre commerce de détail alternatif, je continue à croire que les choix de consommation peuvent peser plus lourd du côté de la responsabilité sociale. Mais je crois avoir compris aujourd’hui qu’il faut pour cela démontrer clairement qu’il est possible de le faire sans sacrifier l’essentiel.
Afin que la clientèle arrive à vraiment comprendre que l’essentiel ne passe pas par (comme on le croit généralement) “plus de”, “le moins cher” ou encore “le nec plus ultra”, il faudrait proposer nos alternatives tout en donnant la chance aux gens d’évoluer vers une plus grande conscience de ce qui est essentiel à leur bonheur… Donc, trouver des mécanismes pour informer la clientèle sur la nature de ses besoins et sur les multiples façons d’améliorer ses satisfactions dans la vie de tous les jours, sans passer par l’argent et la consommation…
Il serait donc souhaitable d’intégrer à votre projet un mécanisme d’information-formation continue, répétitif… ad nauseam s’il le faut! Tout en choisissant les produits à mettre en marché et l’aménagement des lieux (“very essential, indeed!”), il serait impérieux de choisir aussi les manières d’informer la clientèle sur les raisons et les avantages de consommer les produits qui leur seront offerts et sur les raisons qui justifient de se rendre chez vous plutôt qu’à l’épicerie du coin! Des affiches dans la boutique, des petits papiers glissés dans les sacs d’épicerie, des soirées d’information, des fêtes, des bisous, n’importe quelle excuse pour expliquer, écouter, échanger…
C’était mon conseil du jour! Je vous souhaite tout le succès possible dans votre folle, mais nécessaire, aventure!
Madeleine Provencher
Membre fondatrice
Coopérative Tendre Vert
(P.S. N’oubliez pas d’expliquer à votre clientèle pourquoi ils doivent faire une épicerie chez vous, EN PLUS de leur épicerie ordinaire! Hihi!)
Je ne connaissais pas l’existence de ce fonds. C’est beau ce que vous faites et je pense que de le publier apporte un regain d’énergie à ceux et celles qui vous lisent. C’est souvent décourageant de penser que notre petit geste ne changera peut-être pas grand chose. Lire votre échange, avec toute l’intensité, la sincérité et la rigueur que j’y retrouve me donne envie de redoubler d’efforts. C’est possiblement valable pour d’autres aussi! Parfois, j’ai honte de vivre sur cette planète… mais là, je suis fière! Je ne sais pas ce qui sera décidé, ni si ce projet verra le jour et fonctionnera, au moins des gens se rassemblent et passent à l’action! Je vous félicite pour votre implication sociale, c’est un beau modèle à suivre!