Veut-on d’un Mégantic d’avant ou d’après la tragédie?

lac mégantic avant-aprèsPermettra-t-on à un citoyen de Scotstown de prendre position dans un débat qui concerne Mégantic? J’espère que oui, parce que Mégantic, depuis la nuit funeste de 2013, appartient de cœur, d’une certaine façon, à tous les Québécois. Et à plus forte raison à ceux de sa grande région.

La population de Mégantic a été appelée, pendant de long mois, à s’impliquer et à se prononcer sur la ville nouvelle qui renaîtrait de la tragédie. Afin que les 47 morts et le centre-ville ne soient pas disparus en vain.

Certes, l’exercice de consultation n’était pas parfait (y a-t-il quelque chose qui le soit?) et les résultats ne pouvaient satisfaire tout le monde. D’ailleurs, comme trop souvent dans nos villes et villages, c’est la minorité la plus active, aussi bien du côté des citoyens que des entrepreneurs, qui a pris part à la consultation convoquée par les élus d’alors, bien des gens qui critiquent maintenant les résultats n’ayant pas daigné donner leur opinion quand on la leur demandait.

Malgré ses limites, le projet de renouveau du centre-ville de Mégantic apparaissait nettement tourné vers l’avenir et ses exigences nouvelles. Il ne s’agissait pas de rebâtir le passé (c’est de toutes manières impossible) mais bien de profiter de la tragédie (un malheur terrible) pour en tirer le meilleur possible. Comme dans nos vies personnelles, où une épreuve est toujours une invitation à rebondir vers du mieux, toujours différent et souvent insoupçonné. Ce que les Anglais appellent le « silver lining » et que ma défunte mère appelait « un cadeau mal emballé », à charge pour nous de trouver où se cache le cadeau.

Un centre-ville plus « urbain », au service des gens qui y vivent, y marchent ou viennent s’y promener davantage qu’au service des voitures et des marchands qui réclament du stationnement, c’est ce que cherchent à développer TOUTES les grandes villes du monde, malgré les nombreux obstacles qu’elles rencontrent. C’est clairement le choix de l’avenir, sur tous les continents.

Cela ne signifie nullement qu’une ville n’a pas besoin de ses marchands, bien au contraire! Ni qu’elle veut se développer contre ses automobilistes : ce serait se tirer dans le pied, pour encore de nombreuses années! Cela signifie seulement qu’on a assez de vision pour regarder au-delà des besoins immédiats ou à court terme, et qu’on décide de construire maintenant les infrastructures dont on aura besoin demain. C’est comme pour les changements climatiques : c’est aujourd’hui qu’il faut agir si on veut avoir les résultats voulus pour demain.

Mégantic a une « chance » (payée très cher en vies humaines et en destruction) unique de se reconstruire en fonction des besoins de demain. Espérons qu’elle ne choisira pas de reconduire plutôt les vieilles manières de penser d’hier.

Scotstown,  le 30 décembre 2015

(Lettre publiée dans l’hebdomadaire L’écho de Frontenac le 8 janvier 2016)

3 réflexions sur “Veut-on d’un Mégantic d’avant ou d’après la tragédie?”

  1. Sophie Bilodeau

    Je suis tout à fait d’accord avec vous quand vous dites qu’il faut faire valoir des arguments, d’essayer de convaincre ses concitoyens de la valeur de tel ou tel point de vue et que le débat public doit se poursuivre. Toutefois ceci ne veut pas dire imposer la volonté d’une minorité à la majorité comme ce fût le cas pendant le règne Roy-Laroche alors qu’un petit groupe de personnes ont pris le contrôle du système.

    Vous me parlez de l’abolition de l’esclavage, lutte contre la torture et la peine de mort, chute du «Rideau de fer… En ce qui me concerne je me sens d’avantage comme un esclave qu’on torture pour le faire céder sous peine de mort.

    Depuis les tristes événements du 6 juillet, à aucun moment je me suis sentie écoutée et respectée et je peux vous assurer que je ne suis pas la seule. Vous admettrez tout comme moi que les principaux consensus exprimés lors de Réinventer la Ville n’ont pas été respectés. Je vous parle ici de la démolition complète du centre ville et de l’expropriation des familles et commerces de la zone rouge. On ne peut pas non plus oublier la démolition d’une partie de Fatima et de son église et la construction d’un hôtel de luxe sur le boulevard des vétérans qui n’ont jamais eu l’approbation de la majorité de la population et bien loin de là. Je peux vous en dire long là-dessus parce nous avons reçu de nombreux témoignages de ces propriétaires sur la façon dont ils ont été traités qui relève davantage de la dictature que de la démocratie.

    Une société doit se développer dans l’écoute et le respect des idées de chacun, de leur vision et surtout être capable d’en faire une bonne évaluation qui consistera à apporter des arguments solides et convaincants pour faire évoluer celle-ci. Ce n’est pas en imposant la vision d’un petit groupe comme l’a fait Hitler qu’on avance vers le meilleur…

    Les citoyens de Meg ont besoin de se sentir écoutés et respectés d’abord. Ils doivent reprendre confiance en leurs élus et pour se faire, les promesses faites pendant la campagne électorales doivent être respectées. Je vous invite à lire ma lettre d’opinion dans le journal l’Écho si cela n’est déjà fait. http://www.echodefrontenac.com/paroleslecteurs.asp?IdNouv=3972

    Tout changement, aussi positif soit-il pour les générations futures doit se faire dans le respect de la capacité des gens à le comprendre, à l’accepter et à le mettre en oeuvre… Le temps fait généralement bien les choses et quand on met trop de pression ou qu’on tente par tous les moyens de manipuler le peuple pour arriver à ces fins et imposer la vision d’un petit groupe, le résultat risque d’être à l’opposé de ce qui avait été souhaité car il ne peut l’imposer par la force et la manipulation sans craindre une révolte. On y est presque!

    Je vous invite à faire confiance au temps et à nos nouveaux élus qui sont bien conscients de tout ce qui se passe ici pour en avoir discuter longuement avec des centaines de citoyens tout au long de la campagne électorale. Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour satisfaire la majorité tout en ayant un regard tourné vers l’avenir. Mais tout ne sera pas tout noir ou tout blanc. Chacun devra accepter le fait que rien n’est parfait et que l’opinion de son voisin peut différer de la sienne. Et c’est très bien ainsi car se qui nous rend unique et parfaitement imparfait c’est justement qu’on est tous différents avec nos idées, notre perception, nos valeurs. Et c’est aussi ce qui rendra notre ville unique, colorée et parfaitement imparfaite comme toutes les autres.

    Bonne journée
    Sophie Bilodeau
    Membre actif
    Carré Bleu Lac-Mégantic.. 🙂

  2. Sophie Bilodeau

    Vous dites…. “Espérons qu’elle ne choisira pas de reconduire plutôt les vieilles manières de penser d’hier”… mais si c’est ce que les citoyens souhaitent?…Votre vision n’est peut-être pas celle que partage la majorité des méganticois… et Réinventer la ville est loin d’être représentatif de la volonté de la population…Savez-vous ce qu’est la démocratie M.Boisvert… La majorité a parlé lors des élections de novembre… et les élus ont des promesses à respecter. Des promesses pour lesquelles ils ont été élus…Une nouvelle vision, une nouvelle façon de faire… Que cela vous plaise ou non…!!! Difficile à avaler n’est-ce pas?…

    1. Dominique Boisvert

      Merci de votre commentaire, qui n’est pas «difficile à avaler». La démocratie, c’est précisément de pouvoir discuter librement au niveau des citoyens, électeurs comme élus, de faire valoir des arguments, d’essayer de convaincre ses concitoyens de la valeur de tel ou tel point de vue. Ni la démarche participative «Réinventer la ville», ni les élections de novembre ne suffisent à épuiser le débat public et la démocratie.

      Il faut à la fois (bien sûr) respecter la «majorité» et continuer à la faire progresser vers le mieux (une tâche qui n’est jamais finie car on peut toujours s’améliorer, comme individus et comme collectivité). Car la «majorité» n’a pas toujours raison simplement parce qu’elle est majoritaire: tous les progrès humains dans l’histoire ont d’abord été initiés par des minorités (abolition de l’esclavage, lutte contre la torture et la peine de mort, chute du «Rideau de fer» et du Mur de Berlin, campagnes contre les méfaits du tabagisme, etc.).

      Merci encore de votre commentaire qui me permet de mieux préciser ma pensée.

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