Nous en avons bien besoin, de ce monde nouveau. Alors pourquoi ne pas utiliser cette nouvelle année pour le construire, brique par brique, geste par geste, à la mesure de nos rêves et de nos espoirs?
En commençant par un séchoir à cheveux!!!
Eh oui! Celui de ma compagne a rendu l’âme durant les vacances de Noël. Et comme elle en avait besoin pour quelques jours plus tard, notre premier réflexe a été, comme pour tout le monde, d’en acheter un autre au magasin, surtout que ce n’est pas un problème d’argent pour nous!
Mais voilà! En acheter un neuf, c’est encore puiser dans les ressources limitées de la planète. Et favoriser le gaspillage (c’est-à-dire une utilisation qui n’est pas nécessaire ou indispensable) pour notre seule commodité, alors qu’il y aurait sans doute d’autres manières plus écologiques et plus justes (en matière de répartition des ressources) de satisfaire adéquatement le même besoin.
C’est pourquoi je lui ai proposé de tenter une expérience : je lancerais un appel par courriel à mon réseau pour voir s’il est possible, ou non, de dénicher un séchoir à cheveux inutilisé et disponible, même dans aussi court délai. Je faisais le pari que oui. Car il y a tellement d’objets utiles qui dorment dans nos maisons (y compris dans la nôtre, bien sûr) sans que nous les utilisions à leur juste mesure. Nous étions bien sûr aussi prêts à l’acheter « de seconde main » : ce n’était pas une question d’argent mais d’utilisation responsable des ressources et des biens matériels.
La réponse a été immédiate et surprenante : plus d’une trentaine de réponses en 24 heures, aussi diverses qu’amusantes et instructives. D’abord, un grand intérêt pour la formule : plusieurs, qui n’avaient pas de séchoir disponible, ont pris la peine de répondre pour dire, au-delà de la surprise première (j’avais intitulé mon courriel Demande « spéciale »!), combien ils trouvaient l’expérience intéressante et souhaitaient s’en inspirer.
Ensuite, toutes sortes d’informations et de suggestions. L’un avait réparé le sien et plaidait en faveur des réparations, chaque fois que c’est possible, même quand cela coûte aussi cher que l’achat d’un neuf, non seulement parce que cela permet d’éviter le gaspillage de nouvelles ressources mais également parce que cela favorise l’emploi local. Un autre signalait les nombreuses utilités possibles d’un séchoir à cheveux pour un bricoleur comme lui (entre autres pour lutter efficacement et rapidement contre l’hypothermie!). Plusieurs n’avaient pas de séchoir à donner ou à vendre mais s’offraient à prêter le leur à Céline pour son voyage imminent. Et d’autres, enfin, signalaient l’existence de sites Internet spécialisés dans l’offre et la demande d’objets gratuits (comme http://www.freecycle.org au Québec, http://www.objetgratuit.com en France, et bien d’autres).
Mais au-delà des informations et des suggestions, on voyait se dessiner la possibilité de ce maillage communautaire, de ces échanges entre individus au sein d’une collectivité, de ce partage commun de manière occasionnelle d’une foule de ressources souvent sous-utilisées et qui gagneraient à être collectivisées.
Alors, ce séchoir à cheveux, vous l’avez trouvé ou pas? L’expérience elle-même n’est pas encore conclue! En effet, au moins cinq séchoirs nous ont été proposés, plus un fer à friser! L’un d’eux s’est révélé fonctionnel mais trop peu puissant; un autre s’est révélé inutilisable quand son propriétaire a voulu le tester avant de nous le donner; un troisième sera disponible mais un peu plus tard; quant au fer à friser, il aurait pu faire l’affaire d’une autre personne qui venait justement de s’en acheter un neuf! Il reste donc encore deux séchoirs possibles pour le moment. Sans compter que le premier peut toujours faire l’affaire, en attendant mieux.
Je me permets ici d’élargir la problématique du séchoir à cheveux (!) en mentionnant des expériences tentées depuis quelques années : il s’agit de vivre pendant une certaine période (souvent une année complète ou plus) sans rien acheter de neuf (sauf la nourriture, les médicaments et les objets d’hygiène personnelle). Initiée d’abord (à ma connaissance du moins) par un groupe d’amiEs de San Francisco en 2006 sous le nom de The Compact, l’expérience a été reprise de diverses manières (ne rien acheter fait en Chine, ne rien acheter qui vienne de plus de 50 kilomètres de chez soi, agir de manière à réduire son impact environnemental à presque rien, etc.). Juste en faire une liste exhaustive couvrirait de très nombreuses pages de ce Carnet! Et ce qu’il y a de commun à tout cela, c’est la volonté, et la possibilité concrète, d’agir différemment, de sortir des schémas habituels et d’inventer du neuf.
Comme on le constate (sans surprise d’ailleurs pour les simplicitaires), vivre plus simplement, vouloir préserver la planète ou, plus largement, chercher à bâtir un monde nouveau, différent, demande un peu plus de temps et d’efforts que de « suivre le courant ». Pour au moins deux raisons. D’abord il s’agit encore, le plus souvent, d’agir à contre-courant, quand ce n’est pas de défricher carrément de nouvelles avenues jusqu’ici inexplorées. Mais plus fondamentalement encore, la modernité marchande s’est efforcée, à tous les niveaux, de rendre la vie plus facile, de réduire les efforts nécessaires, de faire de nous des spectateurs et des consommateurs passifs et déresponsabilisés. À l’opposé du monde citoyen et responsable dont nous avons tant besoin et que nous cherchons à construire.
Conclusion provisoire? On peut (presque) tout trouver, gratuitement, de seconde main ou à bien moindre coût, à la seule condition d’accepter de sortir du confort de nos habitudes, individuelles et collectives. Un autre monde est possible. Mais uniquement si nous acceptons de le bâtir nous-mêmes ensemble!
C’est bien vrai que c’est un réflexe de remplacer par du neuf. Le mois dernier, ma belle-soeur mentionne qu’elle n’a presque plus de coupes à vin. J’en ai justement une boite de surplus qui dort en haut de l’armoire mais comme j’ai pensé seulement quelques semaines plus tard à les lui offrir, elle en avait déjà acheté des neuves… et il y a mon frère qui ramasse ses sous pour s’acheter un four grille-pain alors qu’un mois plus tôt, ma mère me disait qu’elle avait un four grille-pain à donner. J’ai donc offert le four de ma mère… à mon frère. Faut juste se parler!
Je n’aurais pas pu t’offrir un séchoir à cheveux, je n’en ai qu’un qui me sert quelques mois par année. Quand les beaux jours reviennent, le linge sèche sur la corde et nos cheveux sèchent très bien tout seuls au soleil.
Je viens de lire “Planète jetable” de Annie Léonard (Éditions Écosociété) et franchement après ça j’y pense à deux fois avant d’acheter des objets neufs, même si c’est la solution la plus facile et la plus rapide.
C’est rassurant de savoir qu’on n’est pas seul à poser ces petits gestes qui pris individuellement semblent ne pas faire de différence.
Continue à partager tes réflexions, c’est inspirant.