L’urgence de la simplicité volontaire

Désolé de vous avoir fait faux bond la semaine dernière. Ce n’est que pour mieux revenir cette semaine! Avec un sujet costaud.

On a beau être respectueux des personnes, de leur libre choix et des lenteurs de leur cheminement personnel quand on parle de la simplicité volontaire, la réalité, elle, a la tête dure et ne tient pas compte de nos particularités ou de nos atermoiements : les faits, les « durs faits » comme ils disent en anglais!

Et les faits, c’est que le climat se réchauffe à la vitesse grand V, beaucoup plus rapidement que prévu, comme les scientifiques le constatent à chacun de leurs rapports. Que l’impact de l’activité humaine sur ce réchauffement est majeur et ne fait plus guère de doute. Et que les catastrophes naturelles (inondations, gels ou sécheresses, tempêtes et ouragans), qu’elles puissent être reliées directement ou non au réchauffement climatique, se multiplient et font les cauchemars des assureurs.

Un livre récent de Gwynne Dyer, historien et journaliste d’origine canadienne et de renommée internationale, spécialisé dans les questions militaires et de géo-politique, étudie ce phénomène : Alerte, Changement climatique : la menace de guerre. En 319 pages, publiées en français en octobre 2009, il démontre au terme d’une enquête fouillée qui a duré plus d’une année que la situation est beaucoup plus grave que nous voulons bien l’admettre et que le prix à payer pour notre retard à agir sera, quoi qu’il arrive, très élevé en vies humaines (le rapport Stern, publié en octobre 2006, avait déjà démontré, quant à lui, le prix économique énorme qu’il nous en coûtera de ne pas agir très rapidement).

Sans prétendre résumer ici toute la recherche de Dyer, disons qu’il démontre que quelles que soient nos décisions actuelles (et les récentes conférences internationales de Copenhague et de Cancun ne nous donnent guère de raisons d’espérer), il est déjà trop tard pour éviter que le réchauffement climatique atteigne des seuils critiques. La question n’est plus de savoir si nous devrons affronter des problèmes très graves (je n’ose écrire catastrophiques pour éviter d’être perçu comme catastrophiste) mais bien de savoir comment nous y ferons face.

Et parmi les nombreux problèmes graves qui pointent déjà à l’horizon, la crise alimentaire aiguë et permanente sera la première conséquence du phénomène, crise alimentée d’ailleurs par la raréfaction de l’accès à l’eau. Les récentes augmentations importantes du prix des aliments partout dans le monde, qui ont entraîné des remous sociaux à de nombreux endroits, en sont d’ailleurs un signe précurseur.

Et comme Dyer le dit dans les conclusions qu’il tire de son année de rencontres avec les plus grands spécialistes de la question, « chaque fois que la température mondiale moyenne s’élève de un degré, on observe une augmentation concomitante des mouvements massifs de population, du nombre d’États en faillite ou en récession et, sans nul doute, des guerres intérieures et internationales. Or si ces conflits se développent et se multiplient, c’en sera fini de la coopération globale, unique moyen d’empêcher la température de poursuivre son ascension. »

Pour des raisons pédagogiques, l’auteur a construit son livre autour de sept scénarios, plus ou moins catastrophiques selon la rapidité et la détermination avec lesquelles nous nous attaquerons au problème du réchauffement. Et pour chaque scénario, il aborde l’une des facettes de ce problème à la fois scientifique, économique et politique. Il étudie, entre autres, les divers mécanismes technologiques qui sont en préparation pour tenter de limiter les dégâts, même si ces interventions dans les délicats équilibres de notre environnement planétaire risquent d’enclencher des répercussions imprévisibles (on pense inévitablement à l’image de l’apprenti sorcier). Tout comme il étudie les répercussions géopolitiques du réchauffement et les nombreux préparatifs militaires qui se font déjà, dans tous les grands pays du monde, pour y faire face.

Mais assez pour le livre de Dyer. Venons-en à la simplicité volontaire.

Je ne crois pas nécessaire de démontrer longuement le rapport qu’il y a entre le réchauffement climatique, notre mode de vie extrêmement énergivore et la nécessaire remise en question de ce modèle, que ce soit par le biais de la simplicité volontaire ou autrement.

Tout ce que le livre de Dyer prouve à l’évidence, c’est l’urgence et la radicalité nécessaires de cette remise en question. Mais cela exige des choix très difficiles que nous ne sommes peut-être pas prêts collectivement à faire.

Et Gwynne Dyer, qui nous annonce le pire, ne se laisse pas décourager pour autant. En conclusion de son dernier chapitre (La fin de l’enfance), après avoir évoqué la nécessité de réduire « l’écart de richesse entre les vieux pays riches et le Monde majoritaire, parce que c’est une condition préalable pour surmonter la crise » et la nécessité « impérative d’apprendre à vivre légèrement sur la planète », il compare notre situation actuelle à une sorte d’examen final (reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur). En deux pages et demie, il brosse un tableau saisissant de l’histoire de notre Terre, de la place exacte que nous y occupons, des défis redoutables qui nous attendent et nous laisse avec la question : réussirons-nous cet examen final?

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