La simplicité volontaire, ce n’est pas niaiseux!

décroissance vs simplicitevolontaireUn petit bijou, cet article du périodique français La décroissance (No 101, Juillet-août 2013, p.7). Le titre : Éloge de la simplicité. L’auteur: Pierre Thiesset.  Avions demandé la permission de reproduire l’article mais cela nous a été refusé : la revue tient à vendre sa production. Les bonnes revues ont peine à se financer.

Alors, je me contenterai ici d’en commenter certains extraits. Dont l’introduction :

La rubrique simplicité volontaire est sans aucun doute l’une des plus appréciées du journal. De nombreux lecteurs la lisent en priorité et disent s’inspirer de ces parcours singuliers. D’autres, politiques « sérieux », raillent volontiers ces démarches jugées individuelles, culpabilisantes, insignifiantes. Et pourtant, il y a bien plus de subversion dans le choix de « dépenser le moins d’argent possible pour ne pas avoir à en gagner » que dans tous les discours réunis des candidats aux dernières présidentielles.

Et Vlan sur la noix!  Je suis bien d’accord avec l’auteur. Le capitalisme se nourrit de notre consommation de plus en plus… ostentatoire. « Achète, jette, et rachète encore! ». C’est ce que nous semblons avoir si bien intériorisé.

Dans une société qui fait de l’expansion son unique finalité, chacun doit se mobiliser pour absorber la surproduction croissante. C’est le seul moyen de ne pas faire fléchir la sainte courbe du PIB. Les discours politiques dominants ne font que rejoindre l’injonction des publicitaires. « Nous avons changé d’heure… Mais avez-vous changé de montre? »,  bande de ringards qui ne renouvellent pas deux fois par an leurs menues menottes?  Changez de vie, changez de voiture, quitte à vous endetter ».

On croit entendre le Moïse de l’Ancien Testament qui redescend du Sinaï, indigné au possible par les comportements de son peuple. D’où l’expression « Faire une sainte colère ».

Ne me libère pas, je m’en charge

À l’opposé de cette vision cauchemardesque de l’homme réduit à l’état unidimensionnel d’outil et de tube digestif, de travailleur et de consommateur, de rouage vide tout entier dévolu à une méga machine qui nous dévore tel un Moloch, quelques dissidents osent dire stop. La vie est ailleurs.

 Et comment! Oui,  la vie est ailleurs. Ça me rappelle Félix Leclerc : « Dans l’ train pour Sainte-Adèle Y avait un homme qui voulait débarquer Mais allez donc débarquer Quand le train file cinquante milles à l’heure Et qu’en plus vous êtes conducteur! »

Refuser de se soumettre aux sommations à la consommation, c’est s’offrir un temps autonome, hors marché. Un temps pour créer, cultiver son jardin, réparer son vélo, autoproduire, récupérer, lire, rencontrer, discuter, contempler…

Attention : Il ne s’agit cependant pas de se limiter à « ça ». Il faut parfois se mobiliser à plusieurs et s’indigner, revendiquer, en subir les contrecoups comme Gandhi et Mandela…

Pour une société alternative, il faut du miel (vivre déjà le but que l’on poursuit) et malheureusement aussi  il faut bien vivre aussi avec le fiel des batailles sociales. Rien n’est vraiment donné.

La vertu libératrice de la pauvreté est célébrée depuis les sagesses les plus ancestrales. Pour s’élever, il est nécessaire de se délester. Ainsi chez Platon : « Toute activité doit culminer dans le repos absolu de la contemplation », écrit Hannah Arendt.

Ici, la « pauvreté » n’équivaut pas à la « misère ». Les tenants de la simplicité la disent « volontaire » par opposition à la misère contre laquelle nous devons tous nous mobiliser. Et cette « pauvreté » volontaire n’a rien à voir avec le masochisme, ou l’avarice (notre Séraphin).

Aussi, nous observons une mutation : Du  choix de « x » personnes de classe moyenne qui optent pour vivre avec peu, nous passons tranquillement au choix d’une société de simplicité de plus en plus « obligée  par les circonstances ». Ces « circonstances », on les connaît bien: limite des ressources de notre planète, augmentation effrénée de notre soif de consommation (compulsion), effets de serre et donc changements climatiques, écarts toujours plus importants entre riches et pauvres, etc.  Devant ces constats, peut-on dire que nous pratiquons une simplicité…volontaire? En avons-nous encore le choix???

La lutte des déclassés

En définissant la vie bonne sur d’autres représentations et d’autres normes que celles de la classe dominante, la minorité qui renonce à la course à l’accumulation mène une bataille symbolique essentielle. […]

Un art de vivre fondé sur l’autolimitation coupe court au modèle de la petite bourgeoisie devenu hégémonique. Dans notre époque de pléthore, se contenter de peu exige un caractère fort, indépendant, capable de remise en question et de singularité. La masse est prompte à rappeler à l’ordre ceux qui échappent à sa nasse. Quand au détour d’une conversation, un interlocuteur apprend que l’on n’a ni téléviseur, ni automobile, ni portable, il est fréquent de devoir répondre à un regard ébahi de merlan frit et aux sempiternelles interrogations accusatoires du type : « Mais comment fais-tu pour vivre comme ça? » Justifie ton choix de ne pas revêtir la panoplie du conformisme!

De mon côté, j’ai commencé à me présenter comme quelqu’une qui vit dans la simplicité « obligée… par les circonstances ». Je compte bien y aller avec  plus de radicalité qu’à l’heure actuelle. Ce qui va, c’est certain, créer de petits remous tout autour…

Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux

[…]Le capitalisme n’est pas une simple organisation extérieure de banquiers et d’industriels, » écrivait Richard Gregg, disciple de Gandhi et précurseur de la simplicité volontaire aux États-Unis. « Il se compose d’un esprit, d’une attitude et d’actions habituelles, ancrés en nous ». […]

 Refuser de se plier aux offres de la marchandise, « les commandements d’aujourd’hui », c’est saboter l’édifice industriel. Saper l’imaginaire capitaliste. Déserter toute relance. Face à la fuite en avant perpétuelle qui nous est présentée comme unique horizon, une seule question suffit à bloquer l’engrenage : À quoi bon?

C’est assez. On arrête tout, on réfléchit. En grève perpétuelle sur une grève ensoleillée, un peuple qui décide de freiner devient inarrêtable.

Bon. Je ne crois pas qu’au Québec, nous puissions facilement envisager une  « grève perpétuelle sur une grève ensoleillée ». Mais décider de passer d’une Journée sans Achat à une Année de simplicité volontaire, ce serait déjà un bon début!

 

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